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Chroniques d'une ville qu'on croit connaître

+ d'infos sur le texte de Wael Kadour

: Note de Wael Kadour

En 2011, je vivais encore à Damas. Un jour, j’apprends le suicide d’une fille que je connaissais, disons qu’elle s’appelait Nour. Une seule question me poursuit depuis : pourquoi une fille dans la fleur de l’âge se donne la mort à un moment aussi important de l’histoire de la Syrie ? Quelle est la tragédie personnelle qui l’a poussée à nous quitter à un moment où tout le monde attendait de savoir comment les choses allaient évoluer ? Et est-ce que cette tragédie ne concerne qu’elle seule ? Le suicide de Nour continue à me travailler.


En 2011, la société syrienne fut brutalement divisée par la révolution, le changement et la violence. À la fin de la même année, je quitte la Syrie pour la Jordanie afin d’échapper au service militaire. En partant, je laisse derrière moi de nombreux amis, dont l’acteur et metteur en scène Mohamad Al Rashi, qui sera arrêté la même année. Aujourd’hui, Mohamad est mon partenaire de travail sur la mise en scène de ce texte.


J’ai vécu 4 ans en Jordanie avec un passeport périmé, ce qui ne m’a pas empêché de participer à plusieurs projets de théâtre. J’ai même écrit Les petites chambres, texte qui a ensuite été traduit et publié en France, sans savoir que 3 ans plus tard je vivrai dans ce pays en tant que réfugié. De la Jordanie, j’observais comment la révolution syrienne basculait dans la guerre. J’observais ces changements, ainsi que le bouleversement des destins des individus qui tout d’un coup durent faire face à de grandes questions sur la vie, la mort, la foi, l’athéisme, la justice, la vengeance, l’identité sexuelle...


Je me retrouve à rassembler des morceaux de l’histoire de Nour. Ainsi, je reviens à ma question de départ : Pourquoi Nour s’est-elle suicidé à un tournant aussi décisif de l’histoire du pays ? Je décide alors d’écrire un texte sur ce sujet, sans savoir ni comment, ni quand ! Je commence à vouloir comprendre l’espace commun entre la violence de l’État et celle de la société. Cette violence latente qui se déchaîne à la première occasion. Tout le monde considère que le passage d’une révolution pacifique à une révolution militarisée est la conséquence immédiate des représailles ultra-violentes du régime face au soulèvement populaire. Même si je suis largement d’accord avec cette idée, je considère tout de même qu’elle occulte une part importante de la nature de la société dont je fais partie. La prédisposition à la violence est présente en chacun de nous. Quand on vit pour plus de 40 ans sous la dictature, il faut s’attendre à ce que les premières réactions collectives soient des réactions violentes. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Pour mieux comprendre, je me suis retrouvé à remonter le temps.


Durant ces dernières années, j’ai lu et vu la plupart de la création artistique qui a accompagné la révolution, puis la guerre. Je me pose des questions. Comment parler de la réalité sans prétendre être en possession de la vérité ? Comment utiliser l’art pour documenter sans perdre la force de l’imagination ?

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