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Ceux qui vont mieux

mise en scène Sébastien Barrier

: Lettre d’intention – 15 décembre 2019

Bonjour,


Si cette note tombe sous vos yeux c’est que nous nous connaissons au moins un peu. Le caractère possiblement familier de ce qui va suivre découle sans doute de cela.


Après l’enquête immersive et Gonzo de Savoir enfin qui nous buvons et le détour par la fiction adressé aux plus petits dans Gus, Ceux qui vont mieux propose de faire le portrait de cinq personnes dont j’ai préalablement et de manière autoritaire décidé de rendre exemplaires et héroïques les parcours de vie, au point de les ré écrire pour les élever au rang de saints.


Sanctification religieuse mais aussi dramaturgique qui justifie et dessine alors, outre une posture d’écriture, un dispositif et une manière – voire une raison – de me tenir sur scène : cette forme-là tâchera ainsi d’emprunter aux arts de faire de la messe, dans la forme et dans le fond.


Dès lors je me charge de colporter et de faire connaître les histoires de ces personnes faites saints, par tous les moyens qu’offre ma pratique de la scène, ou plutôt par la manière que j’ai de m’y tenir ou d’essayer de m’y tenir, seul face aux autres. Je peux donc écrire sur eux, dire, reprendre, amplifier leurs mots, je peux les jouer, les incarner, me faire chacun d’entre-eux, imaginer qu’ils dialoguent, qu’ils se rencontrent, qu’ils empruntent les uns aux autres, je peux mettre en lumière ce qu’ils ont en commun, ce qui les relie, à commencer par ce qui m’intéresse avant tout chez eux : le fait qu’ils aillent mieux ( ce qui ne veut pas seulement dire qu’ils vont bien. D’ailleurs si le titre était Ceux qui vont bien vous n’auriez sans-doute pas commencé à lire cette lettre).


À travers cette proposition je continue de chercher à comprendre ce que mon métier et celui de curé peuvent avoir en partage, ce qui les sépare, ce que l’un peut bien prolonger de l’autre, et si nous avons des clients communs. Abonné-e-s, fidèles, ouailles, spectatrices et spectateurs : que cherchent les personnes auxquelles on s’adresse ? Ou plutôt, que viennent-elles chercher ? Ici et là on fait communauté. Ici et là on écoute des histoires qui nous racontent le monde. Ici on croule sous les dieux, là on n’en vénère qu’un. Ici les gradins se clairsèment, là les travées se vident…


Pourquoi mes plus beaux souvenirs de prises de parole en public sont-ils ceux ayant eu lieu dans des églises ou des cimetières ? Pourquoi les clowns de mon espèce n’officient-ils pas plus souvent lors des enterrements ? Pourquoi les arts de la scène se tiennent-ils si loin de nos plus intimes, douloureux et incontournables rituels ?


Ce sont des questions secondaires, sous-jacentes ou des ressorts cachés. Que ce moment finisse ou non par ressembler à une messe, qu’il en soit une allusion, une évocation, une inspiration ou le simple fruit d’une observation – tout, évidemment, sauf un simulacre ou une parodie – il sera maillé, tissé, tendu, traversé de l’exposé croisé des cinq portraits de mes saints, qui tous vont de mieux en mieux.


C’est, encore une fois, ce qui m’intéresse chez eux. Et me fascine. M’entraîne, parfois et m’encourage. Me tire vers le haut, me questionne, m’alourdit. M’accable. M’inquiète. M’intimide.


Et m’attire.

Sébastien Barrier

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