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Ceux qui errent ne se trompent pas

mise en scène Maëlle Poésy

: Note d'intention de mise en scène

« Marcher pour aller au-delà de l’éventuel, il y a un parcours pour aller au devant du monde, au devant des êtres. »
Annie Lebrun


Le choix de s'inspirer du livre La lucidité de José Saramago est né de l’envie d’interroger une crise démocratique sans précédant en explorant une situation fantastique qui la pousse à son paroxysme. La fable que nous imaginons, inspirée du livre, traite des conséquences de ce vote surprenant sous forme de satire. Dans la veine du courant du "réalisme magique", nous sommes toujours à la frontière entre fantastique et réalité, entre comique et tragique, entre absurde et logique. En inscrivant cette histoire non dans un temps et un lieu réaliste mais dans un espace/temps poétique et métaphorique, je souhaite décaler l’aspect contemporain pour tendre vers le conte et l’universel et ainsi ouvrir les possibles en terme d’imaginaire.


Pour incarner cette histoire, six acteurs au plateau, trois hommes et trois femmes, jouant chacun plusieurs rôles. Je souhaite travailler avec eux sur la question du masque social. Interroger le corps politique : éduqué, tenu, structuré dans sa précision dans son énergie. Mais aussi progressivement dans sa déstructuration: le mensonge et la représentation publique. Peu à peu la carapace se fissure, les pensées et sensations internes des personnages surgissent. Je m’interroge sur la parole politique qui se cache derrière le langage mais où l’on ne s’exprime plus, où l’on a réponse à tout mais où l’on ne dit plus rien. Au début du spectacle j’imagine un espace scénique avec des éléments de la société que nous connaissons: des bureaux, des téléphones, des écrans projetant les interviews TV. Lors des élections le compte à rebours commence vers le basculement des repères connus. Après le dépouillement c'est une mer de papiers blancs qui envahit le plateau. A partir de ce moment, il faut faire avec, bouger, essayer d'évoluer dans l’espace. Que faire de cette masse, comment s'en sortir ? Par ailleurs nous imaginons que la pluie tombe pendant des jours et des jours… Avec les élections c’est une forme de déluge qui s’abat sur la ville jusqu’à la fuite du pouvoir en place. Après la pluie, nous sommes avec ceux qui restent dans la ville. Sur les ruines d’une société où certains personnages inventent les chemins à reconstruire… Il s’agit formellement de donner à voir l’éclatement d’un rapport à l’espace et au temps à l’image de cette « société » qui se fissure.


L’écriture de la vidéo va s’articuler autour de deux axes qui s’entremêlent. Dans un premier temps l'utilisation de l’image vient interroger cette distance entre les politiciens et la population. Ce que nous voyons d’eux, ce qui se passe avant une intervention à la télévision, après. De l'image que nous percevons de tout cela, qu’est ce qui est vrai et qu'est ce qui ne l'est pas ? Cette approche de la vidéo va évoluer au fur et à mesure du spectacle pour devenir peu à peu l’espace du sensible: celui qui permet à certains personnages d'exprimer leur vérité. Avec le personnage de la journaliste, nous réfléchissons à un autre rapport à la parole médiatique. L’utilisation de la vidéo devient l’espace du témoignage mais aussi l’espace de l’intime.


La partition sonore est un élément important de l’écriture scénique, comme un paysage que l'on ne voit pas. Elle ouvre l'espace et l'imaginaire des spectateurs. Dans la première partie c'est le pouvoir invisible, l’omniprésence de ceux qui entendent et surveillent tout. Dans la froideur des bureaux. Chez le commissaire. Dans les sous sols du ministère. Ces lieux résonnent des conversations téléphoniques des personnages, des mises sur écoutes enregistrées, analysées, disséquées par les services de renseignements... Les personnages se parlent beaucoup par téléphone, il y a toujours quelque chose qui fait obstacle, on ne s'entend pas, car on en s’écoute plus et au-delà de ne pas s'entendre, on ne se comprend plus. Après la fuite des dirigeants, la ville n’a plus la même couleur, le même rythme sensible. Elle n’est que plus que son, elle devient un personnage du spectacle. L’espace sonore s’ouvre vers un ailleurs possible, on s'assoit et on prend le temps d'écouter. Le temps se déconstruit. Les murmures de la ville deviennent alors comme une jungle qui s’ éveille.


Ceux qui errent ne se trompent pas me parle de la fragilité du système démocratique et surtout de l’étonnante facilité avec laquelle ce système peut se transformer en totalitarisme si il n’est pas protégé et questionné régulièrement dans ses fondements. D'où notre nécessité à garder « les yeux ouverts ». À travers le parcours de nos personnages, nous faisons l’expérience de l’évolution de cette société: de sa réalité quotidienne à sa remise en question. Et de s’interroger avec eux : Qu’est-ce qui nous transforme ? Qu’est-ce qui induit nos choix ? Par le biais de cette métaphore c’est notre rapport au pouvoir que je souhaite interroger. Le contexte de la fiction, une crise démocratique sans précédent, et le parcours de notre commissaire nous permet d’aborder ce thème déjà présent dans les précédents spectacles de la compagnie : le chemin d’un homme vers sa conscience et son libre arbitre, par-delà les dogmatismes d’une société.

Maëlle Poésy

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