Nous souhaitons tous être reconnus et la reconnaissance définit aujourd’hui le fondement même de notre rapport à l’autre et au monde.

En effet, lorsque l’Homme participe à des actes comme échanger ou coopérer, il reçoit aussi une confirmation de son existence par le fait que son partenaire lui ménage une place, s'arrête pour le regarder « jouer » ou « joue » avec lui. Lorsqu'il explore ou transforme le monde environnant, lorsqu'il imite un autre Homme, il se reconnaît comme sujet de ses propres actions et donc comme un être existant.

Mais s'il y a nécessité pour l'Homme d'obtenir reconnaissance, celle-ci doit-elle se faire automatiquement au détriment de l'autre ?
Vivant dans une société où un grand nombre espère se montrer le meilleur, le plus fort, le plus beau, le plus brillant, le plus riche pour mieux être distingué parmi tous…Pourquoi ne peut-on pas simplement chercher à capter le regard d'autrui par d’autres différences et rompre ainsi avec un égoïsme social de plus en plus flagrant ?
Pourquoi dans l'histoire des sociétés comme dans celle des individus, la distinction favorise-t-elle la compétition et la conformité ? Qui induit cette compétition ? Pourquoi la conformité est-elle rassurante ? La reconnaissance est-elle l’illusion de vivre éternellement ?

Après avoir participé à plusieurs reprises au travail de l’atelier recherche de la compagnie avec des enfants comédiens, Jean-Yves Picq nous a écrit un « conte cruel » où l’on comprend dès les premières répliques qu’il s’agit d’une métaphore ironique, d’un conte initiatique et drolatique détournant un fait authentique.
En mettant des enfants et des adolescents en quête d'affirmation de leur statut dans une situation invraisemblable, on observera les mécanismes de l’élaboration de leur propre société, de leurs propres règles, de leurs propres objectifs intimes et de l’invention d'innombrables et nouveaux codes. Dans ce monde extrême où « manger l’autre pour devenir plus fort » n’est plus une image, nous traiterons par des intermèdes comiques le statut des parents à travers une question majeure : les parents sont-ils devenus collectivement peu fiables sous l'emprise médiatique ?

Dans ce monde enneigé où chaque flocon qui tombe vient à la fois purifier et ensevelir les fondements de notre société on pourra se demander :

Que cherchent-t-ils ?

Que cherche-t-on ?

La reconnaissance ?

Mais de quoi ?

Laurent Cottel