: La pièce - Le projet
Je voudrais parler des deux points de départ de Cercles.
Le premier ce sont des discussions avec Peter Brook, qui nous a invités il y a deux ans à venir travailler au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, discussions sur notre façon d’envisager le rapport entre les spectateurs et la scène. Dans mes spectacles précédents, je n’avais jamais considéré ce rapport autrement que frontalement, ce qui revient à imposer un seul et même point de vue : plusieurs centaines de spectateurs mais un seul regard.
Ainsi j’ai pu travailler sur une grande précision du détail, mais aussi sur des notions d’ambiguïté et d’ouverture. Car orienter le regard du spectateur ne veut pas dire le rassurer, cela peut aussi permettre de l’égarer. Dans le travail de Peter Brook, la multiplicité des regards est essentielle. Cette salle des Bouffes du nord est le lieu idéal pour une telle conception. Il m’a beaucoup parlé de cette idée qu’il avait lui et j’ai beaucoup résisté à cette invitation, qu’il me faisait, à me « défaire » de la mienne.
C’est alors qu’avec Eric Soyer, scénographe de la compagnie, nous est venue l’image d’un cercle complet. Nous avons imaginé la fermeture du cercle de la salle des Bouffes du nord. Cela pour constituer une ronde de spectateurs, et créer ainsi une ouverture complète du point de vue et des regards. J’ai vu que je pouvais être totalement inspiré par les enjeux d’une telle relation au public. Cette évolution dans ma position de travail a pris un aspect libérateur. Voilà donc le premier aspect de ce projet.
L’autre est finalement encore plus personnel et assez particulier. J’avoue qu’il me dépasse. Il pose la question de la fiction en général. Il est sans doute en lien avec le précédent.
Le voici : tous les personnages de cette pièce, à l’exception d’un seul, sont vrais, authentiques. Toutes les situations de cette pièce sont authentiques.
Elles me concernent moi directement ou bien elles sont parties prenantes de ce que je suis aujourd’hui. Elles concernent des personnes qui ont existé. Etres vivants ou fantômes de mon histoire, histoire la plus lointaine même parfois, dont les actions m’ont hanté ou impressionné. Des instants que j’ai voulu reconstruire comme on reconstitue la scène d’un meurtre pour éclaircir une énigme.
Ces histoires sont drôles, parfois horribles ou dures. Mais elles sont vraies.
Joël Pommerat
janvier 2010
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