HOIK. (...) il fait froid en Allemagne prends un grand nombre de paires de chaussettes Slee et des médicaments

(Un temps)

SLEE. Des médicaments?

(Un temps)

HOIK. La peste
Toujours des épidémies de peste en Allemagne et surtout à Nuremberg apparemment

SLEE. Nuremberg c’est là où je

HOIK. Je sais Slee je sais que tu pars en Allemagne je sais que tu es le premier non seulement de Calcetto mais de tous les autres monastères à aller étudier la machine à imprimer je sais qu’après toi beaucoup suivront la route tracée par Slee vers Nuremberg qui est une ville dotée de trois cents flèches de clocher et comptant cent imprimeurs j’espère évidemment que tu vas contracter une maladie et en mourir mais tu sais que le calme qui règnera dans cette pièce sera une bénédiction de toute évidence tes persécutions me manqueront ce matin justement je me faisais la réflexion qu’un homme pouvait regretter ses persécuteurs ça affûte les nerfs d’avoir des ennemis

SLEE. Hoik, je ne suis pas ton ennemi

HOIK. Comme nous nous ramollirions à gambader librement dans quelque splendide jardin de bienveillance non mieux vaut partager avec les oiseaux et les animaux cette anxiété profonde qui gouverne leur existence

SLEE. Je ne suis pas ton ennemi, Hoik

HOIK. (Implacable) Les oiseaux ne sont‐ils pas beaux?

SLEE. Hoik…

HOIK. C’EST L’ANXIÉTÉ
Je le sais
C’est ça qui donne à mes lettres leur forme
C’est ça qui me donne un style qui m’est propre
C’est mon identité

(Un temps)

SLEE. Un jour
Sans éclat
Sans emphase
Un jour pourtant j’aimerais voir ce masque de souffrance d’une pâleur maladive tomber et entendre alors une note de pure jubilation s’élever dans l’air qu’elle soit ténue comme un sifflement ou grave comme un orgue je m’en fiche
Hoik heureux
Hoik en proie à l’extase

HOIK. Tu verras cet état Slee