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Catalina in Fine

+ d'infos sur le texte de Fabrice Melquiot
mise en scène Vincent Goethals

: Entretien avec Vincent Goethals

Comment et à quelle occasion avez-vous rencontré Fabrice Melquiot ?


J’ai découvert Fabrice Melquiot avec le tapuscrit de sa pièce Le Diable en partage qui parle de la guerre de Yougoslavie et comment cette guerre civile est vécue au sein d’une famille. J’en ai tout de suite aimé l’écriture d’un lyrisme empreint d’humour, il y avait là un auteur qui possède une langue et charrie des univers. J’ai tout de suite eu envie de monter la pièce. De projets abandonnés en projets remis puis concrétisés, j’ai lu tout ce que Fabrice a écrit. Parmi toutes ses pièces – car il est prolixe – j’ai été particulièrement séduit par la tonalité douce-amère de trois monologues autour de la dérive des adultes, de la séparation et de l’amour blessé. Pièces pour adultes que je compte réaliser dans le cadre de théâtre en appartement, un des volets d’une plongée plus globale dans l’oeuvre de cet auteur.


Qu’est-ce qui vous a incité à lui commander une pièce pour les enfants ?


Ce projet est pour moi l’occasion de revenir au théâtre pour le jeune public. Une envie qui revient régulièrement depuis qu’en 1999 j’ai mis en scène Le Pont de pierres et la peau d’images de Daniel Danis. Ce que j’aime chez Melquiot, c’est qu’il ne prend pas les enfants pour des imbéciles. Il s’adresse à eux sans édulcorer sa langue. Quel que soit le thème qu’il aborde, ses textes, parfois même complexes, ouvrent toujours sur l’imaginaire. Je souhaitais monter un texte de lui pour les enfants, de préférence inédit. Ce qui était très ambitieux compte tenu de sa notoriété. Devant ma déception de ne pouvoir en trouver dans ce qu’il avait déjà écrit, c’est lui qui a décidé de m’en écrire un. Et puisqu’il écrivait pour moi, j’en ai profité pour lui dire ce que je souhaitais par rapport à son écriture, que je préférais ses pièces qui mélangent gravité et humour et dans lesquelles il est question des choses de la vie. Un peu plus tard je précisais encore ma commande en lui demandant de bien vouloir écrire pour deux comédiens et une comédienne. Voilà comment est née Catalina petite fille aux deux visages, dont l’un sourit quand l’autre pleure.


Mais qui est Catalina ?


À première vue, Catalina est une sale gosse à qui on a envie de donner une bonne fessée pour qu’elle se calme. Pourtant, avec son petit côté Zazie c’est une rebelle qui pose une question grave : « Comment prendre sa place dans la société quand on se sent différent ? » Pour moi, en effet, il s’agit bien davantage de différence que de handicap. Ce deuxième visage, qui fait toujours le contraire de l’autre, n’existe peut-être que dans sa tête. Il est l’expression d’un mal être qui la rend inapte à la sociabilité. À côté d’elle, Honorin est le versant opposé, celui d’adultes engloutis dans une grisaille que déclinent métro, boulot, dodo et qui s’accroche à ses acquis. Leur rencontre est la confrontation entre une petite fille insatisfaite du monde dans lequel elle vit et un homme convaincu d’être bien où il est parce qu’il a fini par se faire une raison. À travers leur friction, les personnages nous disent que les couleurs de la vie et leur intensité dépendent de notre seule manière de la peindre. Ce qui me passionne dans cette pièce, outre l’épaisseur des personnages, c’est qu’elle est à la fois concrète et fantastique. Se frottent et s’embrouillent sans cesse le monde du réel avec l’usine et celui des rêves de Catalina. Ceux de ses moments de sommeil pendant lesquels son autre visage, celui de ses pensées intimes, prennent le dessus. C’est là qu’apparaissent ses parents et l’énigmatique et désopilant Prince pas charmant qui vient faire un extra parce que les vrais Princes charmants sont pris pour des défilés de mode. Il y a là une manière cocasse de casser les clichés, de chambouler les idées reçues qui me plaît.


Dans votre travail de metteur en scène, faites-vous une différence entre le théâtre jeune public et le théâtre adulte ?


Étant peu soucieux de frontière et de catégorie, je ne monte pas Catalina en me posant la question du jeune public, cette question-là est une mauvaise question. La pièce est bonne ou pas, c’est la seule question qui compte. Après on fait, ou pas, un bon travail dessus. Ce qui compte c’est l’envie, le coup de foudre, les images que fait surgir la pièce et Catalina est de celles-là. Je vais donc m’adresser à tout le monde en sachant bien évidemment que je vais m’arranger pour solliciter l’imagination des enfants par un artisanat ludique, par la force des couleurs qu’appelle la pièce et par tout un univers lumineux et sonore qui sont de bons carburants d’imaginaire.


Pourquoi tenez-vous à vous adresser au jeune public ? Pour forger le public de demain ?


Pour deux raisons. Comme je l’ai dit à Fabrice, j’aime raconter des histoires qui ont plusieurs niveaux de lecture. J’aime les pièces dont les auteurs campent des personnages qui nous touchent, qui posent de bonnes questions sans donner de réponses toutes faites, qui éveillent la vigilance et disent quelque chose du monde. Si déjà je peux semer cette petite graine-là, j’en serais très heureux. En outre, il est vrai que mes diverses résidences d’artiste m’ont donné le goût d’un rapport à la population et au territoire. J’aime que le théâtre soit un moyen de nouer des liens et un appel à la curiosité. Si les enfants d’aujourd’hui deviennent des spectateurs de demain tant mieux, mais mon premier objectif est de les rendre curieux de la vie.

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