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Cargo

+ d'infos sur le texte de Paul Francesconi
mise en scène Paul Francesconi

: Présentation

Sur une piste de terre battue, qui semble attendre des avions, Eli perd ses yeux dans le ciel. Comme toute son île, elle espère un grand bateau volant, le Cargo. On raconte qu'à son bord se tiennent les ancêtres du pays des morts. Dans un futur encore inconnu, ils ramèneront grâce au Cargo, des vivres, de la boisson, de la joie, des secrets et surtout, des armes à feu qui les libéreront des étrangers qui envahissent leur territoire.


On le raconte : mais est-ce qu'on le croit encore ?
Sur l'île, la foi en l'arrivée du Cargo s'étiole. Eli s'occupe de la piste, au milieu des disputes et des doutes. C'est alors qu'atterrit un énorme vaisseau, conduit par un étrange couple dont personne ne comprend la langue.
Sont-ils les ancêtres pilotant le Cargo?
Apportent-ils la libération que cette île attendait ?
Est-ce qu'Eli saura les accueillir ?




Une fable sur la Foi et sur l'Autre


« Écoute plus souvent
Les Choses que les Êtres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Écoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres. »
Birago Diop, Souffles


Notre histoire explore la foi en ce que celle-ci constitue notre identité. Elle la distingue de l'autorité religieuse, qui est l'organisation politique qui tire sa légitimité de la foi. Eli est la gardienne du temple comme elle est la gardienne de l'île et de son identité. Mais la foi est aussi cet espoir brut qui brille dans sa poitrine pour la faire exister. Au travers d'un deuil, d'abord. Mais aussi en lui donnant un but, un travail sur la Terre, chaque jour : celui de s'occuper des fleurs. Elle attend du ciel des réponses, oubliant que celles-ci se trouvent sous ses pieds et dans le vent qui l'enveloppe, depuis le début de la pièce. Pendant ce temps, l'amour l'attend dans un buisson. L'amitié s'en va. L'autorité religieuse se perd. Des être égarés descendent du ciel. La jeune femme est témoin d'un défilé qui la dépasse. Sa foi va vaciller : comment peut-on continuer de croire quand tout semble s'effondrer ?


L'île qui accueille notre histoire est complètement imaginaire, fruit d'un travail sur l'insularité et plus particulièrement sur les Collectivités d'Outre Mer. Le titre de la pièce fait en revanche référence à un phénomène anthropologique historique, les cultes du Cargo. Ceux-ci se sont développés en Mélanésie pendant toute la période coloniale. Un syncrétisme s'est opéré entre les religions locales, les religions chrétiennes et un culte aux technologies inconnues importées par les envahisseurs. Des phénomènes similaires sont nés dans toutes les régions du monde touchées par la colonisation. Ces cultes ont développé par la suite des mouvements politiques de résistance à l'oppression et au colonisateur. Le syncrétisme religieux est une réalité dans les Collectivités d'Outre Mer. Il est le témoignage d'une acculturation, mais aussi de métissages tout à fait originaux qui font parti de la construction identitaire intrinsèque à la condition humaine.
Notre pièce parle alors de la construction des identités, de leur mutation pour survivre, autant que de la foi.


Les époux arrivés du ciel constituent un mystère qui nous amène à penser la différence culturelle. Fuyant eux-même une terrible histoire, ils tentent de s'installer où la terre leur sera prospère. Incarnant à la fois la migration mais aussi la colonisation, ils suscitent un rejet puis une vénération qui finalement les éloigneront définitivement. Au départ, une cohabitation semble possible, créé par un pollen hallucinogène généré par une Fleur qu'ils ont fait pousser. L'île connaît une grande réconciliation entre les habitants, l'armée étrangère et les nouveaux arrivants. Mais finalement, cette cohabitation se révélera fragile, montrant l'impermanence fondamentale des relations humaines.
Les Hommes seront-ils vraiment prêts à cohabiter avec les dieux qu'ils attendent, ayant déjà du mal à cohabiter entre eux ?




 « LE TEMPLE SERA PARTOUT OÙ TU TE RENDRAS. »
- NOTE D'INTENTION DE MISE EN SCÈNE -


Cargo est une fable sur la croyance et la foi mais aussi sur la nécessité d'établir des récits, des croyances et des rituels, pour construire une société et simplement exister. Eli croit au Cargo pour se lever le matin et attendre sa mère. Tous les autres personnages se battent autour du Cargo car il représente bien plus qu'un miracle attendu. Il incarne l'histoire de leur opposition aux étrangers. La foi individuelle se mêle à une religion politique où l'identité se construit sur un miracle dont l'arrivée est plus qu'incertaine. Dans cette attente, qui nous ferait presque penser à En attendant Godot, Eli peine à vivre. Fixée sur le ciel, elle ne se rend pas compte que ce qu'elle attend est sous ses pieds, dans la terre. Pendant ce temps, la folie des hommes défile devant elle, mettant sa foi à l'épreuve.


Un temple où tout repose.
Nous sommes sur une piste d'avion au milieu d'une forêt et au sommet d'une montagne. Cette piste d'avion est un temple qui doit se déployer dans cet espace sacré qu'est la scène. La piste seule sera représentée par une grande diagonale rectangulaire de la couleur de la terre battue, donnant sur un lointain sombre et ouvert, d'où arriveront les époux du ciel. Ainsi, les spectateurs et les personnages seront tout deux placés dans cette attente. Au milieu de cette piste, une structure de bois rappellera une tour ou un étrange autel, prenant inspiration des véritables cultes du Cargo qui ont existé en Mélanésie. Elle ne cessera de se monter et se détruire pendant le spectacle. Enfin, deux grandes voiles de tissus surplomberont le plateau et le public, rappelant un ciel qui descendra au sol. Nous sommes alors sur un temple qui, à la fin du spectacle, verra son ciel tomber pour évoquer les voiles d'un bateau : le ciel se coud alors à la terre.
Le Cargo, que tous attendait, n'était-il pas déjà sous leur pied ?
Sur ce temple simplement représenté se fixera un vrai rituel dramatique que les acteurs porteront avec tout leur corps.
Un choeur sera présent en fond de scène, muni d'instruments à percussions simples. Les acteurs qui ne seront pas en jeu resteront à vue pendant les scènes pour rythmer l'action, en reprenant des paroles des scènes, en chantant ou en enrichissant l'action de percussions. La danse sera également utilisée, métissant les différentes formes provenant des Collectivités d'Outre Mer. La pièce parle de religion et de rituels. Emprunter aux codes épiques du théâtre (déclamation, récit épique, face public, choralité) nous permet de donner une épaisseur supplémentaire.
Si les habitants de l'île ont créé leurs rituels pour attendre le Cargo, nous créons les nôtres pour raconter leur histoire.


La foi mise à l'épreuve
Eli représente le premier pilier humain de ce temple. Elle est omniprésente, à la même manière que le Carnet de Bord et Joseph, qui sont témoins de toute l'histoire. Eli arrive et doute, au milieu des décombres. Un défilé humain viendra mettre sa foi à l'épreuve. Sasportas et John Frum représentent les deux pendants tragiques d'une foi qui survit, entre athéisme aveugle et stratégie politique identitaire. Joseph et le Carnet de Bord représentent la tentation de l'ailleurs et de la fuite. L'Ordre du Mât, supposé incarner la répression, incarne avec humour un peuple qui se cherche dans sa croyance. Les êtres venus du ciel sont eux les éléments du mystère, aussi fascinants qu'effrayants. Leur peau est autre, leurs mouvements sont autres. Et leurs voix, incompréhensibles, seront entièrement prise en charge par leur choeur, faisant d'eux des marionnettes humaines où le corps et la voix sont séparés.
Tous ces personnages représentent la comédie humaine du monde entier qui vient s'unir à une jeune femme. Le métissage sera une réalité de notre spectacle. Nos codes de jeu se rapprocheront de la Commedia Dell'Arte mais aussi du théâtre Nô et de formes codifiées du théâtre asiatique. Nous métisserons les accents et même les langues, intégrant quelques parties du texte dans les différentes langues des départements d'Outre Mer, tout en gardant un soucis de lisibilité. Eli, résistant à garder le temple debout pendant toute la pièce, finira par avaler tout ce monde dans un monologue final où les ancêtres parleront à travers elle. Car notre pièce n'est pas une critique de la religion et une ode à la non existence du divin. Elle est une réhabilitation du sacré et du fait que l'Homme vit grâce à cette complexité. S'il ne peut pas tout maîtriser, il a ses meilleures armes en lui et se meut dans un impératif de vivre.

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