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Capital confiance


: Note d'intention

«   Demander de la confiance est aussi méprisable que de l’offrir. » (1)


GENESIS


Capital Confiance est un projet commun à transquinquennal et au groupe Toc.


Deux générations de gens de théâtre, deux manières de faire, deux esthétiques, deux collectifs bruxellois se rencontrent autour d’un sujet brûlant, forcément brûlant, dont on se demande s’il fut un jour tiède.


D’un côté donc, Transquinquennal, initiateur du projet, les «aînés» en quelque sorte, puisque la compagnie fut fondée en 1989 et qu’elle a derrière elle de nombreuses créations originales. Elle a toujours gardé chevillée au corps la volonté de remettre sans cesse en question les moyens du théâtre. De les reconsidérer selon les contenus qu’elle aborde. De les redéfinir à l’aune des territoires qu’elle se donne à explorer. Elle collabore avec des auteurs vivants ou s’appuie sur son écriture propre. Constituée d’un noyau artistique de trois personnes, elle constitue des équipes à géométrie variable selon les projets et leurs nécessités. De ses spectacles on a souvent dit : «ce n’est pas du théâtre», à quoi il est systématiquement répondu «en tout cas, ce n’est pas du jet-ski».


Le groupe Toc, lui est né en 2003. Dans ses spectacles, il interroge entres autres, les conditions de la représentation, son caractère éphémère, tout en questionnant la relation acteur/spectateur et en réexaminant les codes et les conventions du théâtre. Le collectif se compose de 6 personnes et rassemble en son sein des gens qui sont à la base acteurs, metteur en scène, écrivain, créateur lumière. Toutefois, la distribution de tâches au coeur de l’équipe de création est à chaque fois revue en fonction du projet. En de nombreux points, ses centres d’intérêts rejoignent ceux de Transquinquennal.


CRISIS


Pour Capital Confiance, nous joignons donc nos forces pour un projet à multiples entrées. Nés dans les années soixante ou septante, nous avons, à la suite de nos parents, profité des «trente glorieuses», et nous en avons aussi éprouvé les premiers cahots.


73, 79, 87, 91, 2001, sont des dates repères qui marquent de plus ou moins violents dérapages du système. Certains ont entraîné à leur suite de cuisantes politiques de rigueur étalées sur de longues années.


Si nous sommes en quelque sorte des enfants de la crise, nous n’en sommes pas immunisé pour autant, puisqu’il y a peu, un crapaud devenu presque aussi gros qu’un boeuf nous a éclaté à la figure comme une bulle, nous entraînant une fois encore sur la pente savonneuse de l’incertitude, du doute, de la défiance, de la méfiance.


Mais l’Histoire est là pour nous rappeler que l’instabilité semble être une propriété du système, et non une exception. Ainsi, de 1816 à 1929, le capitalisme a connu 14 crises.


Celle qui débuta vers 1869 «alors que les politiques européennes avaient atteint un degré de libéralisme sans précédent (et qui ne fut d’ailleurs égalé à nouveau qu’après 1962) (2)» fut appelée «la grande dépression européenne» . Elle fut très grave, très profonde et dura 20 ans.


Depuis 2007 et le début de la crise des subprimes, le capitalisme est donc encore une fois bien malade. Mais, cette maladie dont on voit bien les symptômes, et dont on nous a expliqué les causes, va-t-elle disparaître maintenant qu’on nous dit l’abcès crevé ? Est ce un mal passager, ou est-ce plus que chronique, inguérissable ? Les métastases provenant du système financier n’ont-elles pas atteint le reste du corps économique une bonne fois pour toutes ?


Certains parlent de cette crise comme d’une «parenthèse (3)», pour d’autres elle annonce un changement important de nos vies, de nos manières d’envisager l’avenir. Ce dont nous sommes sûr, c’est que son impact est bien différent selon le côté du manche où l’on se trouve et que ce qui est vécu par certains comme une fatalité ou un désastre, apparaît à d’autres comme une opportunité, pour ne pas dire une aubaine.


SWALLOW THIS


Nous abordons la nébuleuse de la crise par le biais de la confiance, un terme très abondamment utilisé ces derniers temps.


Cette confiance est, paraît-il, une des conditions sine qua non de la croissance, cette croissance utile et nécessaire, nécessaire et utile, dont un des avers est la récession, celle que nous connaissons et un autre, la dépression, qui menace.


La confiance est la clé de voûte du système, «l’institution invisible» (Partha Dasgupta), et ce n’est qu’une fois créé «le marché de concurrence pure et parfaite», quand l’individu au comportement irrationnel sera devenu un homo oeconomicus, qu’elle ne sera plus relevante, puisque l’intérêt pur régnera, et puisque cette absolue rationalité ira de pair avec une confiance absolue !


La confiance, simple (?) comportement humain est reconnue comme la base de l’échange commercial (j’échange avec toi pour éviter de te tuer) et elle permet l’abstraction de ces mêmes échanges, l’invention et l’utilisation de la monnaie et de la bourse.


En tant que concept, elle est modélisée au fur et à mesure de l’avancement des théories économiques. En économie politique, elle trouve aussi sa place à travers la théorie des jeux (qui permet l’analyse des décisions, des stratégies et des comportements des joueurs ou des agents économiques), et, en statistique, elle est un facteur d’ajustement (voir «l’intervalle de confiance»).


Mais là où les chose s’interpénètrent, c’est que, si la confiance a une place prépondérante dans l’économie, l’économie est aussi un des déterminants prépondérants de cette confiance, et son déficit amène un déficit de confiance en nos représentants, en notre système démocratique et légal (4) puisque l’économique creuse des fossés que la démocratie n’égalise plus en rien.


Le mot confiance, tel qu’on l’entend actuellement, est presque devenu une figure de style à lui tout seul, une synecdoque, puisque dans le discours ambiant, on lui assigne un sens toujours plus large ou toujours plus restreint que celui qu’il comporte. Instrumentalisé qu’il est, on démêle alors difficilement ce qui est de l’ordre de l’économique, du social, du systémique, du relationnel, du psychologique, voire du religieux ou du métaphysique (il s’agit d’avoir la foi et l’espérance).


Surtout, on en définit peu l’objet, on peine à le définir, on le passe sous silence, il est sous-entendu : il s’agit d’avoir confiance, voilà tout, et tout ira mieux après.


Mes les mots sont-ils encore suffisants, quand les actes ne sont pas posés ?


Economique ou pas, ce dont la confiance parle en creux, c’est de l’humanité elle-même, et de son manque. On a bien compris, après qu’on nous ait parlé de le moraliser, que le capitalisme n’avait rien avoir, par essence, avec la morale. Le tout est de savoir maintenant si il a quelque chose à voir avec l’éthique (l’éthique est la morale en situation selon M. Benassayag).


LESS


Dès septembre 2009 le groupe toc et Transquinquennal s’engagent dans un processus de création qui les emmènera au spectacle final en février 2010, au théâtre Varia.


4 rendez-vous sont fixés, dans l’ordre : Marseille, Charleroi, Namur, Bruxelles. Pour jargonner, à l’instar du monde financier, ce sont des levées de fonds. Le déroulement est identique à chaque fois : avec le public, nous assistons a une communication menée par un «expert» (nous sommes des gens sérieux) , puis nous travaillons pendant une semaine avec un invité (dit «chevalier blanc») pratiquant une discipline étrangère au théâtre (vidéaste, plasticien…) pour redonner à ce public (ou à un autre) ce que nous avons digéré de tout ça. Une forme courte, sans doute, mais les plus courtes sont souvent les meilleures.


MORE


En février 2010, une forme plus (ob)longue apparaîtra après 4 semaines de répétitions.


Ce ne sera pas une compilation des étapes présentées avant, mais inévitablement, celles-ci auront emmené l’équipe sur certaines pistes, vers certains noeuds de réflexion qui se retrouveront peut-être dans le spectacle. Mais peut-être pas.


Nous ne pouvons pas présumer du résultat. Le sujet en lui-même (tel que nous l’avons -un peu- exposé) est d’une grande richesse et il est susceptible de livrer des matériaux qui touchent à de nombreux domaines.


Mais il est proprement théâtral parce que là où la confiance intervient apparaissent aussi ses creux : la dépendance, la vulnérabilité, le risque. Toutes choses qui évoquent le spectacle vivant, son côté volatil et éphémère, la relation qui se construit avec un public, auxquelles s’ajoutent des questionnements sur la valeur des choses, les «valeurs sûres» et la confiance qu’on leur accorde, outre celle qu’elles ont en elles-mêmes (que vaut le bois de la langue de bois ?). Si le spectacle Capital Confiance sera aussi présenté à un plus large auditoire, il n’en sera pas plus classique pour autant. Le cadre est différent, certes, mais pas la volonté : il s’agit de saisir l’opportunité que la remise en question -même un tant soit peu- de l’ordre des choses accorde à la pensée.


Quant au groupe toc et à Transquinquennal, outre des relations de travail, devraient se tisser entre eux des relations de …confiance. Mais n’est-ce pas le lot de tout commerce (dans le sens des «relations qu’on entretient dans la société») humain ?


  • (1) R.Garcia, Et balancez mes cendres sur mickey.
  • (2) Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paul Bairoch, p.233, Paris, 1995.
  • (3) N.Sarkozy
  • (4) « Il ne faut pas être devin pour reconnaître que notre société, à travers ses institutions, est dans un terrible et désolant déficit de confiance. La démocratie elle-même, sur laquelle reposent nos structures, ne rallie plus de larges couches de laissés-pour-compte ou ces autres plus rares, les militants du cynisme comme on pourrait les appeler, pour qui la démocratie représente l’obstacle à contourner. C’est peu dire que, non seulement la confiance ne règne pas, mais elle est considérée comme une tare, une lubie d’illuminés. Le gouvernement, par le lobby, tel qu’il est depuis la dernière décennie, n’est rien d’autre qu’une contestation du procès surdémocratique. Le bien commun a cédé le pas au brutal et efficace rapport de force. » (Denise Bombardier, Le Devoir, Montréal, 7-8.01. 2008).»
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