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Candide

+ d'infos sur le texte de Yves Laplace
mise en scène Hervé Loichemol

: Cuculus canorus

Préface a l’édition de Candide, théâtre

L’avenir, je vois comme qu’y sera… Ça sera comme une partouze qui n’en finira plus… Et avec du cinéma entre… Y a qu’à voir comment que c’est déjà…. Céline, Voyage au bout de la nuit.
Lettres, entretiens, dialogues, contes et autres discours, c’est dans ces textes relevant de genres «mineurs» que les écrivains des Lumières ont parfois trouvé la théâtralité qu’ils cherchaient désespérément sur scène. Voltaire, considéré de son vivant comme le dramaturge le plus important d’Europe, n’échappe pas à la règle et fait preuve dans ses «coïonneries » d’une liberté qu’il a souvent eu du mal à prendre sur le plateau. Dans ces conditions, pourquoi ne pas imaginer que Candide serait sa meilleure pièce de théâtre ? C’est, en tout cas, l’hypothèse de travail proposée à Yves Laplace. Il ne s’agit pas ici de mettre en dialogue les «situations» proposées par le texte – la démarche a déjà été faite, parfois avec bonheur –, mais d’adopter la stratégie du Cuculus canorus, autrement dit coucou, qui place ses œufs dans le nid d’une autre espèce d’oiseau. Ce cleptoparasitisme revendiqué affiche le processus de filiation dans lequel nous sommes engagés, reconnaît la relation complexe entretenue avec une œuvre du passé, mieux, il définit cette relation.
Comme le dit Laplace, il faut «opérer Candide», écrire à l’intérieur du conte, dans le conte, y chercher la présence de noyaux dotés d’intensité théâtrale, bref, découvrir en quoi Candide aurait pu être (est ?) une pièce de théâtre.
Avons-nous d’ailleurs une autre solution ? Faut-il contempler un modèle littéraire ou entrer dans l’atelier de l’auteur ? Ne faut-il pas travailler à l’intérieur des choses, comme Voltaire avec le désastre qui secouait le monde de son temps – Europe et Amérique confondues ? Sa dispute avec Leibniz, Pope et Wolf aurait-elle encore un sens pour nous si la guerre de Sept Ans, cette «boucherie héroïque», n’avait pas fait rage au moment où il écrivait ? En quoi nous importeraient les fanatiques du «tout est bien» si Voltaire n’était pas secoué par le tremblement de terre de Lisbonne ? Nous-mêmes, qu’aurions-nous donc à faire des enragés du meilleur des mondes libéral si nous ne constations pas tous les jours qu’il va de mal en pis ?
Longtemps considéré comme un texte obscène et pornographique, longtemps condamné ou interdit – encore en 1925 aux États-Unis –, et expurgé dans les publications scolaires jusqu’à une date récente, Candide, comme Le Voyage au bout de la nuit auquel il fait tant penser, est un texte du désastre. Et quoi qu’en disent les marchands de sommeil politique, nous n’en avons pas fini avec le désastre. Il vient.

Hervé Loichemol

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