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Caligula

+ d'infos sur le texte de Albert Camus

: Le «Caligula» de Camus

Le 26 septembre 1945, dans un Paris fraîchement libéré, Caligula, la pièce que Camus avait rêvé de monter à Alger, triomphe sur la scène du Théâtre Hébertot avec Gérard Philipe dans le rôle titre en Hamlet romain. Ce fut alors comme un coup de fouet sur la vie théâtrale parisienne qui avait tendance à s’endormir.


Caligula met en scène un homme investi du pouvoir suprême, aux frontières troubles de la divinité, qui s’acharne à vouloir atteindre l’absolu, convaincu de pouvoir l’approcher. Son intelligence est aussi aiguë et dispersée que ses propos sont sans retenue. Caligula condamne coupables et innocents indistinctement, une sorte de Nietzsche barbare.


C’est une pièce de théâtre impossible racontant le dialogue d’un seul au-dessus du vide, n’écoutant et n’entendant rien autour. Il se donne à lui-même la réplique comme pour accélérer sa vitesse et apercevoir sa fin comme une libération.


Caligula peut être aussi vu comme le drame du premier esprit libre de l’histoire du monde : il est allé au-delà du bien et du mal. Dans son monde il n’y a pas d’actions morales et il trouve cela parfaitement beau.


Albert Camus, écrivain nobélisé, consacré et souvent aseptisé par les manuels est un dangereux classique. A la manière de son Caligula se heurtant aux sénateurs, il dénonçait la malveillance des intellectuels parisiens et prônait, pour se venger d’eux, d’être heureux avec furie. Il écrit Caligula à partir de 1938 à Alger avec l’intention d’y interpréter le rôle principal.


Il remanie la pièce pendant la guerre, la retouche après les premières représentations de 1945 puis à nouveau en 1957 et 1958. Par ces opérations successives il polit sa première intention. La guerre, le nazisme et ses conséquences universelles l’ont amené à revenir sur son premier geste, plus intuitif, plus instinctif, plus ambigu et plus extrême. A trop amender sa pièce pour prendre ses distances avec son héros, Camus a éteint une poétique première que j’ai envie de retrouver. Voilà ce qui me conduit à choisir la version initiale de ce texte qui n’est d’ailleurs que très rarement montée.


Pièce d’acteur et de metteur en scène – écrit-il - je cherche en vain la philosophie dans ces quatre actes. D’autres l’y ont trouvé pour lui mais Caligula offre, il me semble, un message assez ambigu pour qu’on lui épargne la vilaine étiquette de pièce à thèse .


L’humour ravageur de Camus et de son empereur, son charme, sa gaieté, sa délectation à choquer les gens respectables, son goût pour la bouffonnerie et une certaine forme de cabaret entraînent et ébranlent les certitudes dramaturgiques et la pesanteur philosophique qu’on est tenté de prêter à la pièce. La destinée de Caligula a inspiré à Alexandre Dumas une tragédie et à Camus un sommet d’ironie cruelle.


Passionné dès l’enfance d’histoire romaine et fasciné par « La vie des douze Césars » de Suétone narrant les excès et les secousses des règnes du Ier siècle après Jésus-Christ, j’y trouvai une furia violenta sensuelle et troublante qu’incarnait encore plus parfaitement la figure égarée de Caligula, à la manière d’un enfant précipité dans le siècle le plus vénéneux de l’histoire. En feuilletant ces pages antiques je découvrais tout un théâtre en place où tous les instincts qui gouvernent souterrainement l’homme étaient à nu, où leur commerce se faisait librement à ciel ouvert. C’est bien ce qui, originellement, a fait naître en moi le désir d’un tel spectacle.


Un moment où l’on peut se permettre de tout dire, de débarrasser les intentions les plus noires du fatras hypocrite de la bienséance.
A ce titre le personnage de Caligula est un prodigieux accélérateur de particules, un révélateur savoureusement dangereux.

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