C.H.S. pour Combustion Humaine Spontanée. Mais la pièce aurait pu s’appeler Feu, pour tout ce qui s’y consume : bûcher, cigarette, solitude, feu intérieur, passion… C.H.S. donne à voir et à entendre un homme projetant de s’immoler par le feu. C’est sa voix intérieure qui parle, presque tranquillement, tandis qu’il est dévoré par les flammes, que sa peau fond, que ses muscles s’embrasent, que ses os craquent. Derrière lui, à sa fenêtre, une caissière de station-service écoute ; à côté, un scientifique commente, rectifie, précise, schémas à l’appui. L’écriture de Christian Lapointe s’impose, simple, narrative et fragmentée dans le même temps, embrassant des univers différents, jouant sur la polysémie du feu, de l’Antiquité aux camps de la mort, de la création à la combustion, du Phénix qui brûle mais renaît de ses cendres à la condamnation à perpétuité de Prométhée. Une question collective s’immisce dans l’interrogation existentielle, celle du traumatisme de l’histoire : cette image d’un homme qui se consume fonctionne comme un emblème. Sans être une analogie complète, il s’agit d’une façon de nommer l’indicible. C’est aussi une métaphore de l’acte d’aimer, de créer, de vivre tout simplement. Ce dont rend compte le dispositif du jeu, minimal, loin de tout réalisme : un tableau vivant quasi fixe, des lumières et des sons au pouvoir évocateur, un écran de télévision, un bidon d’essence, trois acteurs occupant un espace tiré au cordeau. Et un texte qui passe d’un corps à l’autre et aiguise nos perceptions, en une cérémonie épurée et sensible.

Antoine de Baecque