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: Un objet de regard

Par Mohamed El Khatib

La boule à neige, et tous les clichés qui déferlent avec elle, est avant tout un objet de regard. Celui que l’heureux propriétaire jette sur elle – et celui que le quidam jettera sur son possesseur. Ce petit objet d’apparence ludique a généré un usage variant selon les époques : presse-papier, jouet, souvenir aimé, ringard, industriel, bobo ou kitsch, monde miniature quasi mystique, art populaire, objet de collection,

médium de création... Sa véritable origine historique est discutée – elle semble remonter à l’Exposition universelle de 1878 à Paris. Mais au-delà d’un acte de naissance controversé, la boule à neige a connu tout au long de son histoire des usages socialement contradictoires qui en font un objet complexe. Et c’est l’histoire de cet objet, pour lequel nous avons une certaine tendresse, que nous allons explorer.

La boule à neige, objet d’art ?


L’histoire de l’art participe grandement à séparer l’art des domaines profanes en le consacrant. Le regard admiratif que l’art suscite, voire exige, n’est d’ailleurs pas sans lien avec les rapports de domination qui traversent notre société. Aussi, la boule à neige – summum du mauvais goût pour certains – peut être considérée comme un objet kitsch et stupide, mais c’est paradoxalement cette condition qui la rend susceptible de devenir un objet d’art.


S’intéresser à ce phénomène méprisé, issu de la culture populaire, permet de questionner les processus de légitimation d’un objet par les institutions culturelles. La boule à neige permet d’interroger les actes de  « qualification  » et de  « croyance  » qui, par des opérations de  « bénédiction  » esthétique, de  « sacrement  » culturel, permettent à un objet ordinaire de devenir un objet d’art.


D’une croyance à l’autre, pour une archéologie du futur


Au-delà des thèmes religieux qui ont rythmé la production des boules à neige au dé- but du xxe siècle, la question de la croyance est fondamentale. Imaginons un instant l’archéologue du futur qui, dans quelques milliers d’années, va découvrir ces boules neigeuses. Au même titre qu’il considérera sans doute les stades comme des lieux de culte, il fera sans doute l’hypothèse que ces boules ne sont rien d’autre que des autels portatifs participant de nouveaux rites funéraires. Le changement anthropologique majeur que l’on traverse actuellement est le passage de l’inhumation à la crémation. La dispersion ou conservation des cendres dans ces petites urnes comme un nouveau rituel possible ? La reconstitution du monde dans un espace clos miniature comme ultime tentative de circonscrire le monde pour l’éternité ?


La boule manquante


La boule que le collectionneur ne possède pas semble être celle qui contient son enfance. La quête de l’enfance à jamais perdue comme marque d’une culture populaire commune. Autant de micro-histoires intimes qui peuvent engager les amateurs dans cette recherche vaine, à la manière d’une méditation sur la disparition. Reste comme seule possibilité alors de fabriquer soi-même la boule à neige de sa vie. Le principe du collectionneur devient sans doute non plus l’accumulation de formes de  « vanités touristiques  », mais davantage l’élaboration d’une biosphère toute personnelle.


Théâtre anatomique


C’est au milieu d’un dispositif de dissection du réel – inspiré des théâtres anatomiques de la Renaissance – que Patrick Boucheron et Mohamed El Khatib ausculteront des boules à neige et leurs histoires pour nous livrer un récit inédit sur cet objet négligé par l’Histoire. Destiné à accueillir 200 spectateurs dans une grande proximité, cet espace offre une qualité de regard et une intimité propices aux cérémonies populaires.

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