Le spectre du flamenco hante ce corps épars, éparpillé sur la scène en fragments déconstruits. Dans la marmite où bouillonnent les artistes de la Compagnie La S.O.U.P.E., le monde du peintre, photographe, graveur, dessinateur et sculpteur franco-allemand Hans Bellmer, l’un des artistes majeurs du surréalisme, est convoqué avec ses membres désarticulés.

« Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables » écrit-il en 1957 dans sa Petite anatomie de l’image. Le théâtre devient l’espace où les corps se décomposent et se transforment en étoiles et autres formes fantastiques. Par ses métamorphoses surprenantes, l’humain se retrouve et se perd. Orthèses et prothèses, et mannequins créent de fantastiques prolongements qui peuplent l’espace de créatures hybrides, troublantes et surréelles. On est face à la beauté vénéneuse d’une monstrueuse création tout à la fois mécanique et sensible. Delphine Bardot conduit cette impressionnante cérémonie dans une ambiance sonore concoctée par Antoine Arlot qui officie en direct aux commandes de ses claviers, ordinateurs et autres machines électroniques.

Entre l’animé et l’inanimé, l’affirmation poétique de ce spectacle exprime des univers oniriques dans lesquels la conciliation des contraires est possible, conformément au Manifeste du surréalisme d’André Breton. Dans une fusion du son et des corps multipliés se crée « un trouble entre l’étrange et le familier » où « se conjuguent violence et poésie ».