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Bleu Bleu

+ d'infos sur le texte de Stéphane Arcas
mise en scène Stéphane Arcas

: Présentation

Autocentré


Bleu bleu est un projet autocentré. J’ai retrouvé il y a quelques temps le manuscrit d’une nouvelle que j’avais écrite au début des années 90. C’est un texte très autobiographique et plutôt maladroitement écrit par un jeune homme sous influences.


L’histoire est celle d’un jeune artiste en pleine errance sentimentale, idéologique, sexuelle et politoxicilogique : Moi en 1992. Cependant cette spontanéité, cette désinvolture et cette sincérité jetées là sur le papier sans égard pour soi et sans arrière pensée m’ont semblé pures comme du minerai brut : grossières mais pleines d’énergie. J’ai donc eu envie de partir de cette matière pour broder un mensonge plus énorme, de m’en servir comme d’un pigment, allongé d’un jus de fantasmes et de térébenthine, pour peindre le portrait de cette période des années 90. Période ingrate par la pauvreté de son actualité, après la chute du mur et avant le 11 septembre. C’est, l’air de rien, une période de grands changements dans le monde intérieur et le psychisme des occidentaux avec l’apparition du tout média et le début de la remise en question des deux idéologies dominantes (capitalisme et socialisme).


L’histoire débute donc en 1992. A travers les divagations d’un jeune homme issu d’un milieu prolétaire qui essaye de se construire une place dans le monde de l’art, on suit la vie d’un groupe de jeunes gens en prise avec l’époque. Un mystère plane, indiscernable, plantant une atmosphère de thriller. Une exposition se prépare, une émission de radio s’enregistre et surtout, une nouvelle vision de la politique s’installe sur la planète après la chute des régimes communistes.


Chacun des personnages semble posséder une clef de l’énigme. Ce groupe d’allumés passe l’essentiel de son temps à se rendre dans des fêtes, à se défoncer, et à s’interroger sur leurs relations amoureuses. Personne n’est très sûr des sentiments qu’il éprouve ou de l’orientation que prend sa sexualité. La décadence, la violence et le non-sens du mode de vie des années nonante leur apparaissant peu à peu comme ingérable. Leur esprit n’a donc comme recours défensif que de tourner en dérision cette réalité tourmentée pour la rendre inoffensive et drôle.


La méthode Cut up


Les différentes scènes sont entrecoupées de descriptions d’œuvres, de rhétoriques politiques barbares et de passages introspectifs, qui, sans que cela soit explicité clairement, nous dressent le portrait de leurs émotions véritables face à une époque trouble. Inspiré de la méthode des courants de conscience et du "Cut up" dans une version plus rock and roll, les personnages commentent et donnent leur ressenti du déroulement et il nous est ainsi permis de suivre le point de vue cognitif de chacun au cours de l’intrigue. Cette intrigue qui dans son ensemble peut être considérée comme une forme de témoignage poétique de ce qu’a traversé (ou malheureusement, pas traversé) la génération X.


Une génération sacrifiée


Si je trouve cet instant, cette génération, importante c’est parce que c’est encore sur le rythme de ce désespoir apparu dans ces années là, composé d’un mélange de mélancolie et de fatalisme, que marche notre société actuelle.
Cette génération, ma génération (dite sacrifiée ou perdue, donc) a été élevée avec l’idée que le progrès technologique, le confort matériel et la croissance économique apporteraient bien-être et promotion sociale, comme pour nos parents. Un véritable fossé apparait donc entre les aspirations de cette génération, et la réalité qu’elle vit. Après les 30 glorieuses nous avons grandi dans l’Occident des 30 piteuses, gris, en crise, ennuyeux et sans les perspectives qu’avaient connues nos parents. La génération d’après-guerre est entrée sur un marché du travail en pleine transformation avec une très forte croissance et un quasi plein-emploi alors que cette génération a grandi par nécessité, avec des fermetures d’usines et des politiques immobilistes d’austérité. Un monde où, qu’on soit qualifié, diplômé ou pas, ne change rien.
Un libéralisme qui ne comble pas et un communisme qui s’effondre.
Après la libération sexuelle c’est l’époque d’une sexualité frustrée, terrorisée, tétanisée face au sida.


MAIS, il ne s’agit pas d’une complainte et heureusement, derrière toutes ces galères et ces malaises, il y a une irrésistible fureur de vivre. Beaucoup de travail et de créativité, d’imagination qui font que cette génération comme les précédentes et les suivantes trouve ses solutions pour aller de l’avant. Elle a hurlé à son tour à la fois sa mélancolie et son envie de sexe, de rire, de combat politique. C’est juste les instruments qui ont changé et ça s’est traduit par des coups de poing musicaux comme le rap, le grunge ou la techno.


Bleu bleu c’est aussi ça, un thriller désinvolte, composé d’une étrange substance comique.


Car, il existe une règle absolue chez les polytoxicomanes : "lorsque la situation devient trop désespérée, si on ferme les yeux, qu’on envisage l’affaire autrement, on s’aperçoit qu’elle prête à rire."


Une comédie grunge donc.

Stéphane Arcas

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