Carré blanc sur fond blanc ou carré noir sur fond noir ? Tel un suprématiste de la danse, le chorégraphe Philippe Saire bouscule nos perceptions et brouille les repères. Il commence par installer les spectateurs littéralement au-dessus de la scène, dans un dispositif voyeuriste qui livre une vision plongeante sur un espace scénique d’un blanc immaculé. Puis, il allonge au sol ses trois interprètes en maillot de bain, sur des serviettes de plage, de façon à en offrir une très inédite vision horizontale en deux dimensions, qui renverse tous les points de vue. Enfin, il recouvre progressivement le tout d’une pluie de granulés noirs, comme sous l’effet d’un lent ensevelissement. à mesure que les danseurs tentent de s’accommoder tant bien que mal de cette invasion, leurs corps accomplissent presqu’à leur insu une véritable création graphique qui dessine « noir sur blanc » la trace du moindre geste. Dans ce combat – perdu d’avance – entre ombre et lumière dont ils sont les protagonistes, le plateau se transforme en work in progress plastique et gestuel. Tour à tour performance, action painting et parabole de l’anéantissement, Black Out se donne à voir comme une dramaturgie de la matière.

Isabelle Calabre