Bérénice aurait pu, aurait dû ne pas être une Tragédie…
Quand la pièce commence, le jour se lève sur un monde en paix, plein d'espoir, plein de promesses, tandis que se prépare, dans une excitation commune, une des plus belles fêtes que l'Empire ait comptées... Dans Bérénice, la tragédie n'est pas prévue, ni par les dieux, ni par les hommes. Elle est aussi accidentelle qu'incompréhensible.

En ce qui concerne le travail de l'acteur, nous avons voulu déposséder le comédien de tous ses préjugés sur le jeu tragique, en partant du principe que la Tragédie ne s'interprète pas, mais qu'elle va se chercher. Nous avons donc emmené les comédiens à épouser le combat de Titus, Bérénice et Antiochus, celui de Paulin, Phénice et Arsace, dans leur quête absolue du sens. Sans avoir honte d'être perdu ou désorienté. Nous avons cherché dans l'univers du clown les éléments d'une interprétation tragique.

A la manière des œuvres du théâtre antique, la tragédie racinienne tend à tirer l'Homme vers le haut en faisant spectacle de ses faiblesses et en l'invitant à les affronter. Bérénice pose la question fondamentale du choix, de la responsabilité. Et révèle de manière violente l'immobilisme qui détruit, qui rend furieux et qui tue. S'engager, choisir, n'est pas seulement le cauchemar de Titus, il est aussi celui de notre génération.
La pièce nous renvoie à notre peur de l'engagement, à notre incapacité à faire de grands choix, à prendre de grands risques. Et choisir de monter Bérénice, c'est prendre un grand risque.
Je sais que l'entreprise dans laquelle nous nous engageons est difficile, mais elle est justement notre manière de répondre à cette peur dont parle la pièce, cette peur qui nous coupe de notre désir, elle est notre manière de nous révolter contre elle, et de la combattre.

Yannik Landrein