Second volet sur la manipulation en démocratie, _Bananas (and kings_ est né du désir de regarder à la loupe un épisode évoqué dans Un Démocrate, mon précédent spectacle : celui du coup d’Etat au Guatemala en 1954, orchestré conjointement par la United Fruit Company, multinationale née à la fin du 19ème siècle aux Etats Unis et la CIA. Cet exemple historique, mal connu sous nos cieux, décrit de façon quasi parfaite un modèle : la confiscation du pouvoir des Etats dits « souverains » au profit des multinationales. Changeant de nom et de vernis jusqu’à nos jours, la United Fruit Company a quasiment colonisé toute l’Amérique Centrale au profit d’un commerce qui a détruit les espoirs progressistes des peuples, en spoliant et exploitant les terres et les populations. À travers la chute de Jacobo Arbenz, président socialiste du Guatemala démocratiquement élu en 1951, _Bananas (and kings)_ décrit non seulement la ruine d’un pays et d’un continent mais aussi l’installation d’un "Système" de domination parfaitement mortifère. Parler de la United Fruit Company, c’est parler de Bolloré en Afrique, de Monsanto et de son Round-up, du combat des sans-terre au Brésil, de la corruption du pouvoir, du désastre écologique d’une forêt amazonienne qui brûle, des accords de libre-échange qui permettent aux entreprises de se mettre au-dessus de la loi, des transgressions éthiques des multinationales, de la mort d’hommes et de femmes empoisonnés par les pesticides que les firmes pulvérisent depuis des décennies.

_Bananas (and kings)_ est aussi l'irruption, dans ces eaux glacées, de la civilisation perdue des Mayas, de leurs chants, de leur rapport à la nature et au temps, de leur force et de leur magie poétique.

Julie Timmerman