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Baglady

+ d'infos sur le texte de Frank McGuinness traduit par Joseph Long
mise en scène Stuart Seide

: Le silence des filles - Qui est Baglady ?

Une femme seule, sans ami, sans soutien, qui trimbale dans un sac son passé, son présent et tout son avenir.
Une femme dépossédée de son identité, cachée sous des couches de masculinité et de haillons, pour ne pas faire affleurer le mortel désarroi qu'elle porte au cœur et pour se protéger.


Une vagabonde, un cas social comme on en voit tant, dans les rues de Dublin et d'ailleurs, tout au long des routes du monde, battre la campagne et égrener leurs litanies muettes? Non, l'auteur est un poète et il nous montre sa Baglady de l'intérieur, comme depuis l'œil du cyclone ou depuis ces spirales descendantes qui font s'affaisser au sol les affamés comme en apesanteur.


Une femme qui n'est plus qu'une voix et qui "tâtonne comme un aveugle, au bout des doigts de l'instinct".


Qui est Baglady ?


Personne selon elle, d'ailleurs elle n'a pas de nom, ou elle ne s'en souvient plus et de toute façon elle est morte. Et l'on pourrait dire d'elle ce que McGuinness fait dire à un des personnages de sa pièce Carthaginians :
"Quand elle se voit elle-même, elle ne voit rien. Elle ne voit rien car elle n'est rien. Elle n'est plus une femme. Elle est une blague, une sale blague."


Lui connaît-on une histoire ? Une famille ?


Par allusion, par bribes, oui elle a eu une famille autrefois, dans un temps avant le temps, dans un temps pétrifié et meurtri… arrêt sur image à jamais.


Son père lui a donné un collier pour la contraindre au silence. Rejetée aux confins de la honte, le collier s'est resserré autour de son cou et elle a fermé sa gueule à jamais.


Elle a donc pris avec elle ses brûlures personnelles et ses rares possessions (une bouteille de grenadine, des cartes pour jouer à lire l'avenir, une vieille robe de mariée pour jouer à la femme) et elle est partie. Elle est partie à perpétuité. Pour où ? nul ne le sait, et elle, elle-même a oublié. Vers un ailleurs espéré ou à la rencontre d'elle-même ? Vers un horizon meilleur ou vers un gouffre de plus en plus vertigineux ? Nul ne sait.


Et la voilà qui erre dans un espace allusif, fluctuant, répétitif, peut-être aux confins d'une petite ville, mais en même temps à la campagne, un espace sous-impressionné comme une photo loupée, un espace en creux, dont on sait seulement qu'il y a une rivière et un pont. Un pont pour contempler le vide. Une rivière pour se noyer. Illisible pour elle cet espace, tant viennent la blesser les éclats de son identité perdue.


Qui est la baglady ?


Elle est en fait la voix du poète se faisant l'écho de toutes les filles mortes d'amour indigne et qui seul a su les prendre sous la grande aile rassurante de sa tendresse et de sa compassion. Devant le silence des filles, il était urgent de dire.

Isabelle Famchon

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