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: Présentation

Anéantissement
Implosion – Blessures
le choc que cela produit en vous
les conséquences que cela entraîne
de façon irréversible _A jamais donc.
Interviewer 25 personnes de cette région, de notre région, la Basse-Normandie
sur une date
une date de leur choix
mettre en parallèle, en perspective
une date historique – une date intime
personnelle,
les effets produits
l’intime qui naît de cette étincelle-là.
les cicatrices…
6 juin 44, guerre d’Algérie, Tchernobyl, mur de Berlin, 11 septembre, 12 juillet 2006 – guerre du Liban…
Leurs cauchemars, leurs doutes, réapprendre à vivre après, autrement.
Comment tout cela chemine tout au long d’une vie, leur vie.
l’implosion aussi que produit la perte d’un emploi, le chômage à la suite d’une fermeture d’usine
Moulinex
Cette bombe qui entre dans votre vie.
Filmer, dérusher, classer pour finir par un texte écrit de tous vos petits mots, de vos douleurs, de vos espoirs, de vos luttes aussi
mis en forme et parfois réécrits
et plus encore.
Tous ces témoignages
qui nous ont permis
ce spectacle
la trame de ce que vous allez voir et entendre
Tout cela
donc
cette lente transformation
du corps et de l’âme d’après les photos de Cindy Sherman
comment le corps encaisse
pour petit à petit disparaître
sous le choc du monde
un souffle
oui
mais dévastateur
Alors, merci à vous
vous tous
pour votre confiance et générosité
vous
sans qui ce spectacle n’existerait pas.


Véro Dahuron Février 2007


Interviews :
Etienne Adam – Amin Bennour – Lucien Billard – Christian Bondurand – Patrice Bruckman – Jean-Bernard Caux – René Garrec – Léon et Dorothy – André Heintz – Pierre Henri des Prairies – Annie – Hervé Lecrosnier – Monique Legrand – Frédéric Lemarchand – Michel et Maria Lespagnol – Patrick Olivier – Michel Onfray – Guy Robert – Renée Ropars – Monique Toutain – Marie-Pierre Vadelorge – Colette Valette - Jacques Vico – Charles Bodin - Tarek Mourad




1ères notes d’intention


Impossible encore aujourd’hui de définir précisément
ce que sera ce projet
Ce que je sais c’est qu’il parlera de nous
de notre famille, de nos amis
de notre ville et notre région aussi
de cette partie de notre histoire
de ce passé commun
-notre mémoire collective-
de cette soudaine et impérieuse nécessité
d’interviewer les gens d’ici
mettre en relation un fait historique – une date intime
11 septembre 2001 : la fermeture de Moulinex/le chômage de Mado
les Tours du World Trade Center - la mort du père de Monique
6 juin 1944 : le débarquement - la mère de David qui voit son premier
black en Normandie…
ma rencontre avec Jean Vico et André Heintz sous le drapeau de la commémoration de la libération de Caen le 9 juillet place Monseigneur des hameaux… ils avaient 17 ans cette année là !
mai 1968 : la grève des ouvriers de la SAVIEM, des étudiants – ma communion solennelle
sur la plage de Deauville, la naissance du fils d’Eliane…
26 avril 1986 : la catastrophe de Tchernobyl - un nuage de lucioles/une pluie noire… la sombre racine du cri…
9 novembre 1989 : la chute du mur de Berlin – le communisme - Hervé
face à son fils de 8 ans et sa décision de reprendre la lutte…
Et puis tout ce que je ne sais pas encore
mais dont vous me parlerez
forcément
un jour peut-être Bientôt
Je pense aussi à la grand-mère de Mathias – le suicide de son mari à son retour d’Algérie – ses lettres qu’elle me confiera peut-être
j’ai des images en tête
des mots qui cognent fort
Blast/explosion – anéantissement
Le corps qui encaisse, puis qui petit à petit se met à imprimer, traces noires, fissures, mémoire de la catastrophe…
cicatrice
reconstruction
fermeture
arrêt
pourrissement
humour aussi
surtout, beaucoup
pour mieux surmonter les larmes
ces fichues larmes
ce torrent d’amour de Cassavetes…
Cette idée de travestissement aussi
Témoignage
vérité
légèreté – si possible
un pas de deux
et puis s’en vont
on n’a pas tous les jours 20 ans
Dalida mais aussi Cindy Sherman
un rêve
encore une fois
de théâtre
au plus près des gens
I have a dream
“C’était le lieu de rencontre, avant la bagarre”


Véro Dahuron Juin 2006




Plan de travail


- mon appareil photo fonctionnait comme ma mémoire


- lien entre date historique / date intime, mais pas seulement


- interroger les gens de cette région : la Basse-Normandie (hommes politiques, ouvriers, paysans, commerçants, militants, étudiants, retraités, résistants… hommes et femmes)


- recueillir des interviews et des témoignages de 1944 à 2006


- dates importantes = débarquement guerre d’Algérie mur de Berlin mai 68 Tchernobyl fermeture de Moulinex / SMN élections régionales / présidentielles et d’autres dates aussi plus intimes, plus secrètes (le passage à l'an 2000, le coma de David/la mort de Pompidou, la mère de Philippe/Oradour, la poupée de Sophie/la mort de Kennedy)


- les cicatrices / les traces / les souvenirs / les moments de bonheur aussi


- Blast : ce que cela produit dans le corps-dans ta vie (explosion-pluie noire)


- Travailler à partir des photos de Cindy Sherman sur la transformation – la métamorphose


- établir un protocole de questions pour les interviews et penser à une dramaturgie du spectacle


- rassembler l’équipe autour d’un projet collectif, une communauté au travail


- tenter de raconter ce plat pays qui est le mien avec ses odeurs, ses déchirures, ses blessures aussi


- 3 acteurs (2 hommes et 1 femme) en prise avec l’Histoire, notre histoire, notre intime dévoilé…




Première feuille de route - Extraits


Tout d’abord il me paraît nécessaire d’éclaircir un point.
Met-on en parallèle un événement d’actualité avec un événement intime, par exemple la chute du mur et la naissance d’un enfant, Tchernobyl et l’annonce de la mort d’un parent (les deux évènements n’ayant à priori rien à voir et ne s’engendrant pas), ou bien cherche-t’on à analyser et mettre en lumière « l’effet de souffle » d’un événement d’actualité sur le quotidien. C’est à dire que le thème est l’altération de l’intime par l’événement.


On peut bien sûr traiter les deux mais les approches différent un peu. La recherche d’interviews aussi puisque dans le premier cas il faut trouver des témoignages rassemblant les deux événement (actualité plus intime), dans le second cas, seul l’événement d’actualité nous importe, et donc, peut-être fixé par nous…


1 – Dans le premier cas, c’est l’inter-relation entre les deux évènements fabrique le sens. Ce sont aussi les personnes qui apportent « les évènements d’actualité » en rapport avec l’intime.


2 – Dans le deuxième, c’est l’effet de souffle de l’événement et le lien de causalité avec la continuité quotidienne qui fixe l’enjeu dramatique. Il me semble que nous étions partis plutôt dans cette direction. Dans le cas n°2 une suite d’évènements fixée par nous pourra donc constituer la trame chronologique (une trame possible) du spectacle. Il faut donc l’établir en amont, réfléchir à l’éventuelle cohérence entre les évènements (passage d’une économie à l’autre, guerres, évènements politiques, climatiques,…) même si cela n’est pas obligatoire. Ainsi, on peut aussi se dire que les interviewés peuvent avoir 20 ans lors de l’événement et c’est cela qui fera lien. On peut aussi imaginer n’interviewer que des femmes, ce qui rajoute une épaisseur au spectacle en proposant une lecture sexués de l’Histoire. Cela me tente plutôt, idéologiquement. Dans tous les cas il faut se décider et lancer, peut-être aussi par voie de presse des recherches…
Mais peut-être que les deux ne s’annulent pas.
Il faudra garder en mémoire que seul l’intime nous intéresse, ainsi l’apparente contradiction des deux cas sera dépassable.

De même, faire attention à notre propre vocabulaire. L’effet « blast » est pour nous. Les gens risque de ne pas comprendre si on leur en parle.
Faire attention aussi aux droits et au passage public. Il faut demander aux personnes leur accord pour le spectacle. Les textes seront bruts, dans le cadre d’une interview orale, et recoupée par la suite. L’accord serait mieux écrit. Cela peut se discuter avant l’échange proprement dit. Il est important qu’ils soient au courant de la démarche, c’est à dire en fait raconter l’Histoire à travers les corps et la mémoire, l’intime.

A l’entrée du vieux village martyr d’Oradour sur Glane, juste un mot « remember ». Ma famille habitait Oradour et ma mère y est née le lendemain du massacre. Pour moi, Oradour, c’est la naissance de ma mère, les querelles de légitimité pour obtenir une bourse d’étude offerte symboliquement au premier enfant né dans le village, et que ma mère n’a pas eu car il n’y avait plus de mairie pour la déclarer. C’est la haine entre les bourgeois d’Oradour et mes grand-parents qui venaient de Limoges, la rouge. C’est moi qui ait du faire par procuration les études que ma mère n’a pu faire suite à l’absence de bourse… « Remembel » me touche donc particulièrement. « Remember », évidemment, plus encore. Aujourd’hui, je ne comprends toujours pas pourquoi ce mot anglais à l’entrée du village…


Bien à vous. Philippe.




Journal de bord 19 juin 2006 (extraits)


Les cheminements et les rêves de Véro Les témoignages, (le lien intime entre la personne interviewée et la date publique) la photographe et peintre Cindy Sherman qui travaille sur l’autoportrait et se met en scène dans différents contextes. Aime se déguiser à l’extrême laissant une part importante à la prothèse, rendant volontairement visible ce qui la métamorphose.
Métamorphose : théâtralité du projet naissant ?
Comment faire surgir cette intimité dans le spectacle ? Véro a en tête l’idée de la prostituée et du client.
A lu les bouquins de Grisélidis une prostituée genevoise morte récemment d’un cancer et qui a beaucoup écrit sur la cause des prostituées et sur son propre engagement dans cette profession.
Mais c’est le travail de Cindy Sherman qui va s’imposer avec force à travers l’idée de la Métamorphose.


Des images arrivent ; des espaces intimes la prostituée et le client ; les acteurs en caleçon et débardeur au début du spectacle puis 3 femmes de plus en plus abîmées, des cicatrices, des blessures pour arriver au vieillissement et au pourrissement.
L’accessoire de la perruque aidera à parler de l’intime, Véro vient d’en faire l’expérience sur les écritures Bulgares.
C’est Philippe Malone qui parle à Guy et Véro de l’effet BLAST. Signifie que toutes nos expériences s’inscrivent dans nos corps.
Pourquoi une date publique ne s’inscrirait-elle pas dans nos corps ? Et qu’ y produit-elle ?
Pierre voudrait aller vers la légèreté.
Ne pas hésiter avec les accessoires
Pas de décors, des petits espaces.
Partir de Cindy Sherman pour les impros.

Présentation du projet par Véro
Le projet se tissera autour d’une série de témoignages intimes liés à des dates clés de l’histoire du siècle dernier à aujourd’hui : Collusion entre l’Histoire et l’intime.
Pour l’instant Véro reste dans une perspective chronologique allant du débarquement à nos jours.
Elle a déjà réfléchi à des gens qu’elle souhaiterait interviewer.
A déjà recueilli quelques témoignages ; celui de Monique qui perdait son père le 11 septembre 2001. Monique qui va écrire quelque chose sur cet événement. Mais il faudrait l’enregistrer et acceptera-t-elle d’être filmée ?
Car il ne faut pas oublier que ce sont ces témoignages qui seront la matière des acteurs.
Les dates :
Le débarquement. Via Caroline, sera aidée par un professeur d’histoire qui connaît bien certaines personnes liées à cette histoire et susceptibles de livrer un témoignage intéressant (un résistant, une militante, un jeune étudiant, ils avaient tous 20 ans le 6 juin).
Mai 68. Particulièrement important pour Véro car c’était sa communion solennelle. Les provisions faites au Prisunic, la peur de manquer. Guy fait remarquer que les 1ers mouvements étudiants ont eu lieu à Caen (les premières grèves de la SAVIEM dès janvier). Véro aimerait écrire sur mai 68. Clic !Fabrice fait un Polaroïd Des noms surgissent. Des profs, des militants : M. Le Crosnier , M. Billaud. Des personnes à contacter.
26 Avril 1986 Tchernobyl
Véro évoque la venue à Caen d’un spectacle de Bruno Boussagol «La Supplication» d’après les témoignages recueillis par la journaliste russe Svetlana Alexeievitch.
Novembre 1993 : Fermeture de l’usine SMN . «Un poumon» économique de la région situé à Caen. Lié au souvenir d’un nuage noir sortant d’une immense cheminée flottant en permanence au dessus de la ville. La cheminée est restée.
David évoque alors son oncle qui a travaillé 40 ans à la SNM . Son oncle qui «sentait» la SNM.
Une piste de témoignage 
Pierre : Evoque ses beaux parents quinquaillers à Dives sur mer où dans les mêmes moments fut fermée une autre usine importante de la région pour agrandir le port de plaisance…
Madame Cazouc femme de ménage chez ses beaux parents. Elle a peut-être des choses à dire.
11 septembre 2001 : Fermeture de Moulinex
« Du fric sinon Boum ! » David lira en fin de séance un extrait de ce livre écrit d’après les souvenirs de la mère de l’auteur, ouvrière chez Moulinex.
L’effondrement des tours du World Trade Center / la fermeture de Moulinex – c’était le même jour… le 19 septembre AZF à Toulouse.


21 avril 2002
Véro «Nous on revenait de Pologne et on allait voter Jospin pouf pouf…»
A encore cette culpabilité de ne pas avoir voté Jospin au 1er tour.
L’arrêt en politique de Jospin la touche jusqu’aux larmes. Guy évoque alors la personne de François Geindre maire d’Hérouville qui a arrêté peu après également. Maintenant directeur d’une école d’architecture à Paris. Ce parcours là l’intéresse plus que celui de Jospin.
Aimerait en parler avec lui…


Mars 2004
Basculement à gauche de la Région Normandie
Véro a l’image de René Garrec le Président de la région qui disait qu’il allait pouvoir lire et s’occuper de son chien.


Et peut-être d’autres dates encore. Pour la jeunesse d’aujourd’hui qu’est ce qui a compté ?
Pour Franck : le passage à l’an 2000… le mur de Berlin…mais d’autres personnes aussi…
Si chacun d’entre nous a envie de raconter des choses autour d’une date historique ne pas hésiter !
David évoque un accident de vélo qu’il a eu au moment de la mort de Pompidou mais dont personne dans son entourage n’a vraiment pris la mesure sur le moment.
Il raconte l’événement personnel avec une telle drôlerie que la mort, le coma deviennent des sujets de comédie. A tel point que l’on ne pourra plus entre nous parler de la mort de Pompidou sans évoquer en souriant « le coma de David ».
Question : Comment théâtraliser ces moments ?
Véro le dit : c’est précisément cela qui l’intéresse.
Et le titre !!! Le titre.
«L’effet Blast» «La crème est dans le coeur»…
Bref, on se séparera sans l’avoir ce titre.
Pauvre Ariane ce sera encore le projet de Véro.


Anne-Charlotte Lesquibe




FULGURATION LIBRE I


C’ ETAIT LE LIEU DE RENCONTRE AVANT LA BAGARRE


Effet BLAST


Autour d’une table , chacun attend, se cherche sans impatience extrême mais avec une attention soutenue ; guettant le moindre geste qui pourrait entraîner toute la bande vers d’autres terres.
Elle tente d’expliquer, les mains tendues, paumes ouvertes, données au ciel, attendant une improbable chute de célestes nourritures.
Elle parle, voix saccadée, revient sans cesse en arrière, mais de plus en plus elle avance…et entraîne son monde ; soudain s’arrête et vérifie si tous sont bien là, ok, we go, now !


UNE DATE.
Une date, une seule qui a retenu non pas l’attention « trop vague et banale »
Mais, un rythme du corps qui change, un battement de coeur nouveau, incertain, inconnu, sans repère véritable. Imperceptible aussi.
Un jour du calendrier qui semble concerner tout le monde et qui pourtant apparaît comme unique ; comme une date juste pour vous. L’horloge de l’histoire s’arrêtant ce jour pour vous dire à vous seul, que vous êtes l’unique, qu’elle ne se joue que pour vous ce soir, maudit soir, parfois !
Un soir d’exception, un rendez vous, entre vous, plusieurs kilos de chairs et l’éclat du monde.
Une pression intérieure qui entre en résistance avec ce poids extrême de l’événement extérieur que tous regardent, écoutent mais que vous seul enregistrez en votre corps
Une onde de surpression de plus de 3 kg /cm2 de peau.
Une onde de choc qui varie avec la vitesse de pression.
Comme une descente de foudre sur l’homme qui ne doit rien à la colère des Dieux ou à un quelconque châtiment.
Légère fissure des tissus intérieurs, un crissement de soie…Qui ravit l’âme.
Un effet de souffle… comme le roulement d’une vague, un murmure de mer à l’oreille, s’échappant d’un coquillage.
Une rencontre entre l’extérieur et votre être le plus intime.
Un rendez vous amoureux que vous arrache le monde.


X-06-06
Guy Delamotte

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