Comme colonne vertébrale : Anarchie en Bavière de Fassbinder.

Comme volonté : ne pas respecter la pièce au pied de la lettre, la faire exister aujourd’hui, l’interroger, partir de là… mais pour arriver ailleurs, avec comme seule promesse l’engagement de chacun/e à s’interroger sincèrement pour dresser une sorte d’état des lieux de notre génération, de son non-engagement, mais aussi de ses tentatives…

La règle du jeu : une troupe de 6 jeunes gens, hommes et femmes (nous, l’équipe, mais aussi, au-delà) se retrouvent pour répéter, monter la pièce Anarchie en Bavière ; mais ils vont s’interrompre plusieurs fois pour discuter des concepts, des questions abordés/ées, soulevés/ées par la pièce. Ces interruptions — que nous ne souhaitons ni systématiques, ni évidentes (sorte de glissements faits de danse, d’improvisations, de musique ou d’extraits de texte…) seront elles-mêmes l’occasion d’explorer la fragilité démocratique du groupe… les rapports de force qui y règnent de manière (parfois) discrète mais pourtant bien présente… Une tentative de parallèle entre la grande Histoire et nos petites histoires. Interroger notre capacité à chacun/e d’être réellement porteur/vecteur de changement.

Notre processus de travail : se rencontrer une fois par mois pendant un an, avant la période dite de répétitions, pour échanger, laisser infuser, lire, voir des films ensemble, les discuter. Une réflexion sur des textes (poétiques, politiques, historiques…) qui seront des points d’ancrages, des invitations.

Une sorte de laboratoire de recherche qui vise à obtenir un minimum d’autonomie créatrice de chacun/e devant ce projet commun. Une tentative de cohérence devant ce propos collectif.

Notre désir : interroger les notions d’engagement, de responsabilité, de lutte pour la survie comme obstacle au changement (?), de manque de référentiels historiques « positifs », de la difficulté de compter sur l’autre, sur le groupe, des rapports de force de « la conscience occidentale, tributaire des notions d’oppression et d’autorité » (pour reprendre les propres termes de Fassbinder en introduction à Anarchie en Bavière), etc.

Évoquer ? trouver ? imaginer ou rêver « un chemin praticable vers d’autres rapports au monde, vers d’autres rapports sociaux ». Donner à voir en tout cas de manière « poélitique » (Enzo Cormann) ces interrogations.

Bref : une sorte de page (toile) blanche que l’on tâchera de remplir des questionnements qui nous seront les plus urgents autour de ces thématiques. Une création dont l’écriture se fera au plateau « avec » Fassbinder, mais aussi, et peut-être : Gatti, le comité invisible, nous-mêmes, et pourquoi pas Enzo Cormann, Michel Deutsch, et bien d’autres, ou peut-être rien de tout cela…

Avec en tout cas : du chant et de la musique (comme lien entre hier et aujourd’hui, la musique jouera comme citation d’hier mais aussi support original, compositions originales : tentatives pour trouver notre voix aujourd’hui), six comédiens au plateau, nos mots, nos corps, de la danse (?) en collaboration avec la chorégraphe Ana Rodriguez (ou en tout cas du mouvement chorégraphié pour évoquer autrement les prises de pouvoirs, les rapports de force desquels nous avons tant de mal à nous défaire, et qui prennent pourtant naissance dans nos corps, premiers territoires potentiels de pouvoir).

Ne pas oublier non plus d’où l’on parle : de la modestie de nos métiers d’artisans, mais aussi de la grande difficulté de son exercice aujourd’hui, comme sujet à part entière, mis en écho avec notre thématique.

Aiguiser nos « armes » pour essayer de retrouver le sens de notre « métier », du sens au changement aujourd’hui, ou du moins à une résistance que chacun/e trouverait de son endroit…

Thissa d'Avila Bensalah