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Aux hommes de bonne volonté

mise en scène Vincent Goethals

: Entretien avec Vincent Goethals

Après avoir monté Le cocu magnifique, vous revenez, à un répertoire qui vous est plus familier, les auteurs francophones vivants et particulièrement les québécois que vous avez beaucoup montés (Michel-Marc Bouchard, Daniel Danis, Carole Fréchette). Pourquoi ce texte ?


Effectivement, c’est un retour aux sources avec cette pièce de JF Caron qui est un texte que j’ai découvert il y maintenant 15 ans dans une mise en scène d’Anita Picchiarini. Ce spectacle m’avait bouleversé. Ecriture étonnante, ce testament écrit en phonétique donnant une scansion toute particulière au propos et une mise en scène magnifique qui pariait sur le décalage, l’humour et la folie pour faire passer ce grand cri d’amour qu’est la pièce.
Quand on voit une si belle osmose entre un texte et une mise en scène, il faut bien attendre 10 ou 15 ans avant d’oser s’y frotter soi-même. Le temps est passé, et le moment est donc venu. J’avais eu le même type d’attente avec Cendres de cailloux de Daniel Danis, que j’ai fini par monter et qui a été un des spectacles que j’ai eu le plus de plaisir à faire naître d’autant qu’il a su rencontrer l’aval du public.


« Aux hommes de bonne volonté » est une pièce difficile à lire, l’écriture étant du « parlé-écrit ». Comment compter vous travailler avec les acteurs ?


Oui, c’est effectivement l’enjeu essentiel avec les acteurs . Je suis très pointu dans le travail sur les langues, sur la rythmique, c’est ce travail là qui me passionne de plus en plus avec les acteurs. Dans la pièce il y a deux niveaux de langue : celui de la famille qui vient écouter la lecture du testament, écriture naturaliste pour un jeu en rupture et en surprise afin de révéler les failles et les richesses de chacun de ces personnages, et celui du notaire. Le rôle du notaire et la langue qu’il utilise sont dans un registre beaucoup plus délicat. En effet, nous assistons, au fur et à mesure de la lecture du testament de ce notaire de province un peu coincé, et même au début agacé, qui ânonne d’abord tant bien que mal ce texte illisible, puis se trouve enfin de plus en plus investi par le feu intérieur de Jeannot. Alors se produit une véritable métamorphose, le testament s’incarne au vrai sens du terme et le notaire devient comme possédé par les colères, les injonctions d’amour de Jeannot.
Avec l’acteur Olivier Bony que j’ai choisi pour sa très grande intensité dramatique, nous parierons sur cette métamorphose et nous chercherons par toutes sortes de moyens rythmiques et techniques à donner tout son poids à cette langue saccadée, pour parvenir peut-être bien à quelque chose qui pourrait s’apparenter à de la transe !


La mise en espace et la mise en scène ne sont-elles pas induites forcement par une étude notariale et donc par un décor assez naturaliste, plutôt éloignée de votre esthétique ?


Je crois que c’est le piège de cette pièce ! Si l’on s’enferme dans ce huit clos notarial de province il est bien difficile d’en sortir. Je pense qu’avec le scénographe, nous allons chercher à décaler complètement l’adresse au public, faire en sorte qu’au lieu de se parler entre eux, les personnages prennent toujours le public à partie, celui-ci devenant le truchement du grand absent qu’est Jeannot. J’imagine à cette heure, un bureau surdimensionné qui prendrait tout le plateau, permettant l’apparition et la disparition des acteurs et un jeu intriguant où les dialogues seraient décalés par le biaisement de cette adresse.


Dans vos derniers spectacles, vous avez abordé des thèmes contemporains, des questions sociales (question de l’accueil des étrangers sans papiers, des violences conjugales, et maintenant une réflexion sur le sida), est-ce important pour vous de faire un théâtre en lien, avec la société ?


De plus en plus, il me paraît essentiel que le théâtre renoue avec son ambition politique au sens noble du terme, une mise en lumière des questionnements de la vie en société et de son organisation. Les questions qu’aborde JF Caron sont à la fois la bisexualité, le sida, la drogue, et bien au-delà de ça, la terrible carence d’amour que nos sociétés contemporaines engendrent. La pièce se termine par « Une minute de silence pour le manque d’amour ». Quelle chance de monter une pièce aujourd’hui qui se termine ainsi et nous oblige, alors que nous sommes toujours trop pressés, à prendre du temps pour un peu de silence et un peu de quête d’amour.

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