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Au Bois lacté

+ d'infos sur l'adaptation de Stuart Seide ,
mise en scène Stuart Seide

: Vivent les reprises !

Le théâtre, c’est bien connu, est l’art de l’éphémère. Une fois le dernier spectateur rentré chez lui, la distribution dispersée, le décor entreposé pour quelque temps et bientôt détruit, les représentations n’existeront bientôt plus que dans la mémoire de ceux qui les ont faites ou y ont assisté.
Il est un acte pourtant qui retarde la mort programmée d’un spectacle, surtout quand il a rencontré le succès, c’est la reprise.
La reprise, c’est la possibilité pour le spectateur touché voire ébranlé par une œuvre ou sa représentation de la « bisser », de la revoir après un délai d’assimilation ou de maturation de quelques mois, en différé, avec déjà le souvenir diffus d’une familiarité, d’une appropriation partielle, elle-même parfois renforcée par la pratique éclairante et interactive de l’école du spectateur. Le défi et le plaisir consistent alors en un approfondissement dans la perception, dans la réception et dans la compréhension sensible de cette œuvre trop riche et trop profuse pour qu’on puisse la saisir ou la cerner en une seule fois.
La reprise, c’est aussi l’occasion pour le spectateur empêché ou négligent, le distrait ou celui qui aura été victime d’un contretemps, de « rattraper » le spectacle qu’il aura manqué et dont entretemps il aura entendu parler – en bien ! – par ceux dont l’évaluation instantanée ou la réflexion après coup l’aura fixé dans leur mémoire. Une mémoire active, partageuse, une mémoire qui s’exprime à voix haute et cherche à transmettre ses impressions, la trace de son enthousiasme.
Pour plagier Brecht, on pourrait dire que la reprise « élargit le cercle des connaisseurs », permet de toucher de nouveaux publics qui demain peut-être à leur tour pourront être fidélisés et devenir assidus.
Partant, il élargit et fortifie le socle d’une culture commune, celle qui réunit plus qu’elle ne divise, qui rassemble plus qu’elle n’oppose, celle qui construit les repères, les références, osons-le-mot : les valeurs, qui président à la cohérence et à la cohésion d’une communauté.
La reprise enfin, pour des théâtres comme les nôtres qui n’ont pas les moyens d’entretenir une troupe permanente, c’est un premier pas, un modeste mouvement vers la notion de répertoire, une façon d’insister sur notre activité fondamentale de création et de production, d’en souligner les choix, ce que d’un gros mot on pourrait encore oser appeler la « ligne » ou l’orientation artistique.
Il en sera ainsi d’Au bois lacté de Dylan Thomas dans la mise en scène de Stuart Seide : reprise au siège avant tournée dans cinq préfectures ou capitales régionales de France, la pièce témoigne de l’intérêt affirmé par Stuart Seide, et conforme à la mission qui lui a été assignée, d’ouvrir le Théâtre du Nord aux œuvres classiques et contemporaines majeures du répertoire anglo-saxon. Quant au style de la représentation, il affirme bien la choralité engagée d’un collectif d’acteurs intergénérationnel où d’anciens élèves frais émoulus de l’EpsAd côtoient des interprètes plus expérimentés – « création et transmission » –, au service d’un texte poétique tout entier ouvert sur l’expression de l’imaginaire, en l’occurrence celui des petites gens.

Yannic Mancel

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