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Atteintes à sa vie

+ d'infos sur le texte de Martin Crimp traduit par Christophe Pellet
mise en scène Stanislas Nordey

: Une Ecole des Théâtres

L’Ecole du TNB est une Ecole à part. Une Ecole atypique. Elle forme en trois ans un petit groupe de douze à quatorze élèves au métier d’acteur mais pas seulement. Elle est aussi une Ecole de pensée, de découverte et d’initiative. Une Ecole des Théâtres.


Depuis sa création en 1991 par Emmanuel de Véricourt et Christian Collin, l’Ecole est un lieu où se brisent les académismes. Les différents responsables qui ont succédé à Christian Collin, Dominique Pitoiset et Jean-Paul Wenzel ont œuvré dans le même sens. C’est également ce qui a séduit Stanislas Nordey, nommé responsable pédagogique il y a trois ans, par le directeur du Théâtre National de Bretagne François Le Pillouër. Le metteur en scène, issu du Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique de Paris, rêvait avec son ami Didier-Georges Gabily de créer un « innovatoire » pour en finir avec l’enseignement conserve ! La liberté structurelle de L’Ecole du TNB, lui permet aujourd’hui de réaliser ce vieux rêve. Les trois années que dure la formation ne sont consacrées qu’a une seule promotion. L’enseignement se construit pour et autour du groupe d’élèves constitué et choisi en fonction de leur désir de théâtre et non de leur envie de devenir acteur. “J’ai eu l’idée que pour une Ecole d’acteurs, c’est la structure qui doit répondre aux élèves et non le contraire. Valère Novarina parle de “la maladie singulière de l’acteur”, l’Ecole doit l’entretenir, l’aggraver et la structurer, l’acteur de doit pas être moulé, formaté, enfermé — les intervenants, je les choisis en fonction du groupe, il n’y a pas de professeurs attachés à l’Ecole, quoiqu’il arrive. L’élève est au centre, il est le seul endroit où ça se passe pour paraphraser Novarina encore une fois.”


Ainsi en fonction du profil des élèves et de leurs demandes se construit un enseignement qui ne cherche pas à imposer un savoir, mais bien au contraire à trouver le mode le plus juste pour chacun des individus qui ont été choisis et le groupe qu’il forme. Par exemple, les élèves qui finissent en ce moment leur formation et qui joueront cet été au festival d’Avignon dans une mise en scène de Stanislas Nordey, ont demandé, après avoir vu un spectacle de François Verret, à le rencontrer. Ils ont été tellement enthousiastes de cet échange que Stanislas Nordey a proposé au chorégraphe-metteur en scène de devenir l’un de leur professeur. De même Stanislas Nordey ne souhaitait pas imposer des cours de techniques, tant pour le corps que pour la voix, cependant à la demande des élèves, les interventions du chorégraphe Loïc Touzé et de la chanteuse Martine Joséphine Thomas sont devenues régulières. Il est fort probable qu’elles continuent avec la prochaine promotion.


“Une des questions qui me taraudent en tant que directeur d’Ecole c’est : comment peut-on sortir d’une Ecole de théâtre au bout de trois ans un peu plus heureux et un peu plus intelligent ? C’est peut-être naïf et très ambitieux, mais je voyais à quel point la machine à former les acteurs génère des frustrations, des amertumes, des déceptions, des désillusions et à quel point aussi, de temps en temps, elle abêtit… Je me suis posé la question : à quoi peut servir une Ecole de théâtre dans la mesure où la dernière chose que je conseillerais à un ami serait de vouloir faire l’acteur ? Je suis passé par là et je n’ai pas continué dans la mesure où je trouve terrifiant d’être choisi sans cesse et de très rarement choisir soi-même les gens avec qui l’on a envie de travailler. Le principe de l’acteur c’est l’intermittence et l’on ne l’explique pas assez dans les Ecoles. La plupart des jeunes acteurs ne comprennent pas pourquoi ils ne travaillent pas tout le temps, ils ne savent pas quoi faire de ça.


Alors “plus heureux et plus intelligent” cela veut dire aussi apprendre comment vivre le métier d’acteur. Il y a cette idée dans l’imaginaire collectif de la profession que l’important après (et même pendant !) l’Ecole c’est de trouver du travail, moi c’est la dernière chose que je leur apprends. C’est leur enrichissement personnel qui compte, je ne suis pas là pour leur donner des trucs. J’espère que l’enseignement reçu pendant ces trois ans devrait leur permettre de faire les bonnes rencontres au bon moment. Et de manière durable.”


Et pour que l’enrichissement soit total, Stanislas Nordey invite de drôles de pédagogues qui ont la particularité d’être aussi des maîtres. Des artistes singuliers à la démarche esthétique radicale comme Bruno Meyssat, François Tanguy ou bien Claude Régy. La situation géographique de l’Ecole veut que les cours s’organisent en Master Class, cependant le fonctionnement général repose sur les affinités artistiques. “J’essaie que ce ne soit pas une Ecole de théâtre mais une Ecole des théâtres. Et puis j’essaie de panacher, de mélanger des gens qui ont une pratique comme Marie Vayssière et son parcours avec Kantor et des jeunes comme le metteur en scène Jean-Christophe Saïs ou bien encore Renaud Herbin et Julika Mayer sortis il y a quelques années à peine de l’Ecole Supérieure de la Marionnette de Charleville Mézières. Outre le fait que j’ai vraiment envie que les élèves rencontrent des gens de leur génération, je souhaite aussi que les intervenants aient un véritable désir d’enseigner.”


Trois ans viennent de s’écouler, François Le Pillouër a décidé de reconduire Stanislas Nordey dans ses fonctions, une nouvelle “promotion” va quitter le Théâtre National de Bretagne pour laisser la place à d’autres. Auront-ils le même destin que la toute première promo issue de l’Ecole en 1996, joliment nommée Les Lucioles et qui continue de briller aujourd’hui encore ? L’Ecole du TNB apprend la troupe, le compagnonnage et ne cantonne pas le chemin de l’acteur à une recherche individuelle.


D’ores et déjà sur les quatorze élèves de la promotion, une dizaine rejoint la saison prochaine les aventures de François Tanguy, Claude Régy et Stanislas Nordey. Avant cela, tous sont engagés pour jouer cet été au Festival d’Avignon Atteintes à sa vie de Martin Crimp, mis en scène par leur ex-responsable pédagogique et premier employeur Stanislas Nordey. “C’est violent de terminer un cycle d’apprentissage simplement par un travail d’élève. Est donc née cette idée que l’aventure aboutisse à un spectacle qui ne serait pas une chose faite pour les mettre en valeur mais qui serait la rencontre entre mon désir d’un texte et ces jeunes comédiens.”


Atypique donc jusque dans l’après, l’Ecole du TNB, dirigée encore pour trois ans par Stanislas Nordey, tente et c’est bien là qu’est sa valeur, de nourrir “la maladie singulière de l’acteur” chère à Novarina.


Propos recueillis par Hervé Pons

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