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Appels entrants illimités

+ d'infos sur le texte de David Paquet
mise en scène Benoît Vermeulen

: Propos de l’auteur

Je me méfie des synthèses. J’aime les oeuvres polysémiques. Qu’on ne m’impose pas de sens, mais plutôt que l’on m’offre un terrain assez fertile pour que ma subjectivité puisse s’y déployer, insoumise et imprévisible. C’est d’ailleurs ce que je souhaite au public d’Appels entrants illimités. Cela dit, je veux bien me prêter à l’exercice de développer un peu sur les concepts centraux et lignes directrices du spectacle.


D’abord, à mon avis, la question centrale, celle que chaque personnage se pose à sa façon, est la suivante : comment peut‐on se protéger du monde sans se couper du monde? Car ce monde dans lequel ils vivent, ils le perçoivent, à tort ou à raison, comme étant chaotique et martelant. C’est un peu le monde du « toujours partout autour ». Un monde tornade où tout, autant les préoccupations personnelles que sociétales, tourne sans cesse autour de nous. Avec Benoît, on disait souvent, en discutant du projet : « Avant, on allait dehors. Maintenant, c’est dehors qui vient chez nous. »


Appels entrants illimités, c’est un peu la quête de la préservation d’un espace intime. Un endroit pour soi (et en soi) où le rythme de la digestion ne serait pas dicté par la frénésie du monde mais plutôt par la faculté individuelle à tirer du sens de ce qui nous entoure. Car devant un tel bourdonnement – informations, impressions, relations – il devient parfois nécessaire de se réfugier afin que le bruit ne nous rende pas myopes à la beauté du monde. Apprendre quand et comment ouvrir et fermer la porte afin que l’optimisme ne s’effrite pas.


Parallèlement à ce monde, il y a l’autre. L’autre humain, l’autre moi. L’autre capable de me tendre la main ou de me gifler. L’autre dont les mots amusent et abusent. L’autre qui a le pouvoir de prononcer deux des mots les plus apaisants qu’il soit donné d’entendre : moi aussi. Mes histoires sont toujours, à un certain degré, des histoires de cohabitation. Des individus tentent d’apprendre à vivre ensemble sans que le TOI ne leur tombe sur la tête. Ce toi, comme le vaste monde, appelle autant qu’il ne fait peur. Donc le monde. L’autre. Et soi. Soi. Aussi vaste et difficile à comprendre que le monde extérieur. Aussi intrigant. D’ailleurs même seuls, nous sommes plongés au coeur des appels entrants illimités : émotions, sensations, pulsions. Le magma personnel au coeur du chaos commun, double brouhaha existentiel, aussi exaltant que vertigineux. Les appels entrants sont, en effet, doubles : ce que dehors envoie ou force jusqu’en nous, mais aussi ce qui, en nous, cherche son chemin jusqu’à la lumière de dehors.


Avec soi, avec la jungle sauvage sous notre peau, vient l’amour. Impossible de ne pas en parler, il a fini par s’immiscer partout dans la pièce. Un manque à combler? Une condition inhérente à l’expérience humaine? Un acte de résistance? Une façon aussi, peut‐être, de rester vivant au coeur d’un monde où les repères semblent s’effriter à un rythme alarmant.


Cela fait tant à gérer pour de si jeunes personnages. On les comprendra de mettre des costumes et de tomber amoureux d’extra‐terrestre. Sourire dans la confusion. Refuser la monotonie. Protéger son droit à l’espoir. Cette recherche d’équilibre entre le monde, l’autre et soi rappelle un triangle à configuration multiple : souvent quelconque, parfois isocèle, rarement équilatéral. À l’image, d’ailleurs, des rapports unissant Louis, Charlotte et Anna. Oui, l’image du triangle à géométrie variable fait sens. Et du sens, justement, ça fait du bien.

David Paquet

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