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Animal


: Propos de l'auteur

Je me sens africain pour plein de raisons, liées à mon enfance, ma famille…
Ma famille est très enracinée dans la ruralité bretonne, mais elle a essaimé dans plusieurs endroits du monde, dont l’Afrique. Il y a des missionnaires, mais pas uniquement ! Deux des frères de mon père étaient bouchers, l’un au Cameroun, l’autre en Haute-Volta ! Être en relation avec l’Afrique, pour nous, n’avait donc rien d’exceptionnel. Dès l’enfance, toute une imprégnation s’opérait. Et puis les Bretons sont un peu les Africains de la France ! Enfin, on pourrait continuer longtemps sur ce thème ! La question fondamentale est : comment être très proche de soi en allant le plus loin possible ? Et personnellement, je ne vois pas comment on peut faire du théâtre ou écrire sans faire ce type de mouvement. Dans ma pièce, Animal, un personnage est apparu qui s’appelle Fricaine, alors qu’à l’origine, la pièce se déroulait en Bretagne. Je me suis dit, bon, puisque ce personnage s’appelle Fricaine, il faut aller en Afrique… De toute façon, je voulais y aller depuis longtemps !...


...Pour ce qui est de la présence de l’Afrique dans mon écriture, je dirais que c’est peut-être d’abord une question de langue, de voix, de son. Le résultat n’a évidemment rien à voir avec ce qu’on entend dans les régions rurales de Bretagne ou dans les cafés de Paris. Ce n’est pas non plus la langue de l’Afrique francophone, c’est encore autre chose, mais qui entend tout ça.


C’est une langue inventée pour cette pièce, mais qui entend beaucoup de rumeurs, en particulier l’extraordinaire émotion de ces gens-là, qui fait qu’ils peuvent crier, hurler, murmurer, gémir, qu’on a une chose en rapport avec l’animal. L’animal ne parle pas tout à fait, mais il gémit, il aboie, il grogne, il miaule, il piaule, il caquète. Il y a donc du son. Ce son-là, cette matérialité du son, et du son qui prend sens, elle est très présente chez tout le monde, d’autant plus lorsqu’il y a une espèce de débordement émotionnel. On se met à crier parce qu’on est furieux, qu’on a peur, qu’on veut retenir quelqu’un.Tout ça m’importe. Il y a un corps humain qui est dans le son. Il s’agit de voir comment les gens sonnent le mot, comment ils le respirent, comment ça bute, comment ça coule. Dans Animal, mes personnages sont traversés par le chagrin. Ils ne sont pas aimés. Mais ils sont pleins de vitalité. Ils défendent leur peau à chaque mot. Chaque mot est une conquête, un petit jet de lumière dans leur chagrin extraordinaire. Cette histoire de langue, de mots, d’émotion est très forte en Afrique. Ce côté-là est pour moi fondamental. J’ai mis quatre ans à écrire Animal, parce que chaque phrase est une partition sonore.


Roland Fichet
Extraits des propos recueillis par René Zahnd
dans le journal du Théâtre Vidy – Lausanne – janvier à mars 2005

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