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: Plonger dans l’enfance

Parfois pour comprendre la vie il faut quitter le monde rationnel, explicable et s’aventurer dans des territoires mystérieux, opaques : les rêves, la mort, l’enfance, l’imaginaire.
Il faut quitter les explications logiques, les êtres sociologiques et s’embarquer au tréfonds de nos rêves et de nos peurs d’enfants. Là où il s’est passé quelque chose. Quelque chose qu’on ne sait pas bien analyser mais dont on sait qu’il a été déterminant et qu’il est survenu dans l’enfance. Dans notre première prise de conscience du monde, de l’autre, de l’amour, de la mort il s’est joué là tout ce qui nous noue le ventre des années après. C’est à cette plongée-là que nous invite Albatros.
Plonger dans l’enfance ce n’est pas voyager vers un vert paradis idéalisé mais dans « un lieu du souci et de la cruauté ». L’enfance ici est meurtrie. Casper et Tite Pièce sont confrontés à une existence marquée par la violence, celle de la ville évoquée comme bruyante et mortifère, celle de leurs propres parents, alcooliques et désaxés, celle qu’ils s’infligent à eux-mêmes (Tite Pièce se cogne régulièrement la tête contre les murs), celle de l’école où ils ne vont pas souvent et où, quand ils y vont, on les imagine tels les albatros de Baudelaire, incompris, inadaptés et moqués.


Albatros n’est pas pour autant une pièce qui donnerait une vision noire et désespérée de l’enfance. L’enfance est meurtrie mais sur elle le rêve et la puissance de l’imaginaire ont encore prise. L’enfance est une source poétique, un moteur d’écriture et de jeu. Fabrice Melquiot dit bien écrire non pas pour les enfants mais depuis l’enfance, en rendant visite à l’enfant qui serait en lui. Regarder la violence du monde et les questions existentielles qui nous taraudent toute notre vie (Comment fait-on pour devenir adulte ? Pour réussir sa vie ? Lui donner un sens ? Comment se rendre utile au monde ? Comment le changer ?) à travers le prisme de l’enfance, c’est se permettre un retour aux sources. C’est se redonner de l’innocence, de l’humour et la faculté d’espérer. De cette enfance là on peut se remettre à envisager l’utopie avec panache.


Empêcher le déluge, remplacer les génies


Albatros est un texte d’espoir, qui invite au dépassement des préjugés et des cynismes. Sans optimisme naïf, et sans invitation narcissique (grâce notamment au retournement final qui esquive le happy-end classique des contes), le texte donne envie de se retrousser les manches et de se sourire dans un miroir en se disant « tu sais que t’es pas mal toi ». Il nous donne des ailes tout en nous redonnant la responsabilité de repérer en nous nos rages et nos beautés. Rien ne tombe du ciel : ni les déluges, ni les solutions magiques.


« (…) il faut s'en aller survivre, s'en aller éclore, au nom de cet autre que nous sommes quand l'oeuf a cessé d'être l'oeuf, vivre pour l'oiseau de soi, pour l'éclos, vivre au nom de l'Albatros qui niche en chacun et pour empêcher le Déluge ou remplacer les génies — avec panache! Il y a en chacun de soi un Albatros au moment de l'envol, il y a en chacun une piste d'envol, en chacun toutes les pistes; et tous les égarements, toutes les morts ». (F. Melquiot)

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