theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Affabulazione »

Affabulazione

mise en scène Frédéric Dussenne

: Drôles de tragédies

À 44 ans, Pasolini conçoit les six tragédies d’inspiration grecque qui font l’objet de ce projet.


Le choeur antique s’invite dans les six pièces, qu’il prenne la forme d’une collectivité «parlante», comme dans Pylade , Bête de Style et Porcherie, ou qu’il soit réduit au coryphée – Le Speaker dans Calderon, Le Spectre de Sophocle dans Affabulazione ou le fantôme du héros lui-même dans Orgie. Il y a toujours un intermédiaire entre les protagonistes et les spectateurs, dont la fonction est de regarder et de commenter l’action.


Les six pièces posent un acte de transgression. Volonté de sortir de sa «classe» dans Calderon, meurtre du fils dans Affabulazione, rejet de la raison pure dans Pylade, amour interdit sacralisé dans Porcherie, sadomasochisme dans Orgie, exhibitionnisme autobiographique dans Bête de Style. Cet exposé de l’anormalité n’est jamais de l’ordre de la provocation. Il est l’occasion d’une problématisation de la norme.


Pasolini s’inscrit bien dans la continuité de la démarche des tragiques grecs. Mais alors qu’Eschyle, Sophocle et Euripide oeuvraient dans une réalité théologique et politique claires, Pasolini est, lui, confronté – comme nous - à un monde sans projet, jonché de rêves détruits. Il lui est en conséquence impossible d’éviter à ses personnages de sombrer parfois dans le ridicule.


Ici, le tragique résulte de l’incapacité du «héros» à avoir prise sur la réalité. Mais c’est aussi grotesque. Parce que les dieux ont déserté l’humanité, lui laissant la pleine responsabilité de son destin. Drôles de tragédies, donc, plus proches, au fond, du pathétique de Molière que du cynisme de Racine.


Ces pièces peuvent se ranger dans deux catégories. Il y a celles qui mettent en scène le dilemme tragi-comique du bourgeois conformiste au pouvoir, pris à son propre piège : la vacuité spirituelle du modèle économique et politique auquel il adhère sans réserve. Et celles qui font le portait du «héros» anti-conformiste qui s’oppose au modèle dominant, mais ne parvient pas à transformer ses intentions intellectuelles en acte révolutionnaire. Vitalité désespérée… Affabulazione appartient à la première catégorie ; Bête de style à la seconde.


Les lieux de représentation ne sont pas neutres. Dans son manifeste pour un nouveau théâtre, Pasolini invite à ne pas se contenter de jouer dans les théâtres officiels mais propose de travailler aussi à la marge. De mélanger les publics. D’où cette proposition de diptyque opposant une production à l’arrachée, avec de jeunes acteurs, de Bête de style dans un lieu alternatif – l’Atelier 210 - en septembre 2010 à cette production plus institutionnelle de Affabulazione au Rideau de Bruxelles.

Frédéric Dussenne

janvier 2009

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.