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A portée de crachat

+ d'infos sur le texte de Taher Najib traduit par Jacqueline Carnaud
mise en scène Laurent Fréchuret

: Regard d'auteur sur un auteur

Dans le ligne de mire

Au tout début du monologue de Taher Najib, les crachats. Des jeunes hommes désoeuvrés – dont on nous dit qu’ils n’ont nulle part où aller – se réunissent et, plantés sur un bout de trottoir, crachent à un rythme effréné. La traductrice nous l’apprend : le mot hébreu signifie aussi « tirer ». Son implacable réitération par l’auteur évoque la rafale d’une arme automatique. S’il échoit au seul rythme de restituer ce sens en français, un autre surgit, inattendu… En effet, ces hommes qui crachent et recrachent et rerecrachent ravivent à coup sûr la mémoire d’un autre désastre : le crash du 11 septembre 2001… désastre dont le protagoniste – acteur palestinien détenteur d’un passeport israélien – ne cesse de payer les pots cassés lorsque tous le regardent, par delà les frontières et les postes de contrôle, comme un terroriste éventuel…Partant de cette image du tir et du crachat, Taher Najib nous conduit sur les traces de son protagoniste. Dans Ramallah ré-occupée, à Paris, à Tel-Aviv…


Sur une scène de Ramallah ré-occupée, il interprète les héros vengeurs d’autrefois… Déjà la confusion règne : où commence et où s’achève le théâtre ? Comment jouer la guerre sur un plateau quand, au sortir du théâtre, les balles sifflent toujours ? A Paris, la confusion perdure : notre héros tente de gagner Tel-Aviv le 10 septembre 2002. Par un jour pareil, être ce qu’il est suffit à faire de lui un suspect. Or, il s’est juré une chose : ne pas s’énerver – sans doute pour ne pas coller au rôle qu’on lui assigne d’office. Mission impossible : lorsqu’il pénètre dans l’avion en affectant la froideur, le narrateur ne fait que renforcer la terreur qu’il inspire chez ses compagnons de vol : comment rester soi-même tout en échappant aux rôles assignés ? A l’arrivée à Tel-Aviv, le voici qui commande une bière en Arabe – aussitôt le café se vide.


Dans la mise en scène de Laurent Fréchuret, il y aura un plateau nu et de la lumière… Mais surtout, il y aura un acteur, un acteur face au public, un acteur qui joue un acteur. Un acteur qui est avant tout un individu.Mais un individu qui – qu’il joue ou qu’il tente simplement de vivre sa vie d’homme – transforme malgré lui toute assemblée en public. Un individu sans cesse mis en lumière par le regard des autres – tel un acteur qu’isole, sur scène, la lumière d’une poursuite. Un individu qui, par le seul fait d’être ce qu’il est, constitue un point de mire. D’où la sensation de danger, de fragilité. Point de mire, le protagoniste est également dans la ligne de mire. Cible de tous les regards qui lui font jouer des rôles où il ne se reconnaît pas, il impose par une parole vitale et dans cet espace impossible, sa présence vibrante.

Dorothée Zumstein auteur associée du CDN

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