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4.48 Psychose

+ d'infos sur le texte de Sarah Kane traduit par Evelyne Pieiller
mise en scène Claude Régy

: Entretiens

Je viens de me mettre au travail sur une nouvelle pièce (4.48 Psyshosis) dans laquelle il s’agit de la division entre la conscience et le corps.
Pour moi la folie est liée à cette déchirure, et l’on n’a de chance de retrouver ce que l’on appelle son bon sens que si l’on se raccroche à soi-même, du point de vue spirituel, corporel, émotionnel.


Entretien avec Nils Tabert, février 1998
In Playspotting, Die Londoner Theatersezne der 90. – Rowohlt 1998
Texte français Henri-Alexis Baatsch


4.48 Psychose/Sarah Kane


Je suis en train d’écrire une pièce intitulée 4.48 Psychosis. Elle offre des similitudes avec Crave, tout en étant différente. La pièce parle d’une dépression psychotique. Et ce qui arrive à l’esprit d’une personne quand disparaissent complètement les barrières distinguant la réalité des diverses formes de l’imagination. Si bien que vous ne faites plus la différence entre votre vie éveillée et votre vie rêvée.
En outre, vous ne savez plus – ce qui est très intéressant dans la psychose – vous ne savez plus où vous vous arrêtez et où commence le monde. Donc, par exemple, si j’étais psychotique, je ne ferais littéralement pas la différence entre moi-même, cette table et Dan (son interlocuteur). Tout ferait partie d’un continuum. Et diverses frontières commencent à s’effrondrer. Formellement, je tente également de faire s’effondrer quelques frontières – pour continuer à faire en sorte que la forme et le contenu ne fassent qu’un. Ce qui s’avère être extrêmement difficile et je ne compte dire à personne comment je m’y prends. Ce que j’ai pu commencer avec Crave, je le pousse ici un cran plus loin. Et pour moi se dessine une ligne très claire qui part de Blasted, en passant par Phaedra’s Love, pour aboutir à Cleansed, Crave et cette dernière pièce (4.48 Psychosis). Où cela va-t-il ensuite ? je ne sais pas trop.
Conversation avec des étudiants, novembre 1998
Communiqué par Aleks Sierz, In-Yer-Face Theatre – Bristish Drama Today, 2001



Dur à croire, je sais, mais j’ai été une chrétienne fervente (…). Jusqu’à dix-sept ans j’ai sincèrement cru ne pas avoir à craindre la mort, que le jugement dernier se produirait de mon vivant, que je n’aurais jamais à mourir physiquement.
J’ai commis le péché irrémissible de savoir que Dieu existe et de décider consciemment de le rejeter. J’ai cru en Dieu mais pas dans le style de vie qu’exige le christianisme.
J’ai connu un tas de chrétiens dont je pensais qu’ils étaient fondamentalement mauvais et un tas de non-chrétiens dont je pensais qu’ils étaient absolument magnifiques, et je ne pouvais pas comprendre ça, aussi ai-je pris la décision consciente de rejeter Dieu, et, peu à peu, ma foi s’est effondrée. Selon la Bible, je suis à présent absolument damnée. C’est la question posée dans Phèdre : si vous n’êtes pas sûr de l’existence de Dieu, soit vous protégez vos fesses et vous vivez votre vie précautionneusement, "au cas où", comme le fait le prêtre, soit vous vivez votre vie comme vous voulez la vivre. S’il y a un Dieu et qu’il ne peut pas accepter cette honnêteté, alors, bon, tant pis.
Interview de David Benedict, 1996



Dans un passage de Fragment d’un discours amoureux, Roland Barthes dit que la situation d’un amoureux malheureux est comparable à celle d’un prisonnier à Dachau. Au début j’étais intriguée par cette comparaison, je trouvais que les souffrances de l’amour ne pouvaient en aucun cas être aussi terribles que celle que l’on endure dans un camp de concentration. Puis j’ai réfléchi, et j’ai mieux compris ce que Barthes voulait dire. Il parle de la perte de soi. Quand on se perd soi-même, qu’est-ce qui reste encore à quelqu’un ?
Entretien avec Nils Tabert, février 1998
In Playspotting, Die Londoner Theaterszene der 90 – Rowohlt 1998
Texte français Henri-Alexis Baatsch



J’ai été stupéfaite de ces clameurs d’épouvante qui ont éclaté à propos de mes pièces, parce qu’en fin de compte il ne s’agit pas de brutalité ou de cruauté : elles sont là, sans plus, quand on écrit et qu’en dépit de toute la violence qui existe on veut continuer à aimer et à espérer. Pour moi, Manque, où il n’y a même pas un commencement de violence physique, et qui est un texte très silencieux, est le texte le plus désespéré. (…) Plus fortement que dans les pièces qui ont précédé, la violence est métaphorique dans Purifiés. Puis je me suis rapprochée d’une orientation plus poétique. C’est sur Manque que c’est le plus manifeste. C’était drôle – quand j’ai terminé mon travail sur Manque, je n’avais aucune idée de la manière dont mon travail allait se poursuivre, tout cela était si minimal, cela dépassait tellement la question de la langue, dans quelle direction allais-je encore pouvoir faire quelque chose ? Et puis je me suis mise, il y a quelques semaines, à un nouveau texte : il n’y a pas même encore de personnages, seulement des mots, et des images, et les images sont aussi purement de la langue et pas des indications scéniques. Je ne sais même pas combien il y a de personnages… A peine peut-on parler d’une tradition de ce genre dans le théâtre britannique ! Bien sûr, si les gens connaissaient Artaud ou Heiner Müller, ils verraient clairement le rapport, mais dans le contexte britannique, c’est probable qu’on pense : qu’est-ce que c’est que cette merde ? Et ça sera probablement la réaction à ce nouveau texte, une fois qu’il sera terminé. (Ce nouveau texte sera son dernier texte : 4.48 Psychosis)


Entretien avec Nils Tabert, février 1998
In Playspotting, Die Londoner Theaterzene der 90 – Rowohlt 1998
Texte français Henri-Alexis Baatsch

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