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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Verbal, non verbal

Vendredi 10 juillet 2015 | 14h00 - 17h30

Les travaux en sciences et neurosciences cognitives et l’observation des modes de communication chez les jeunes enfants favorisent l’hypothèse d’une origine gestuelle du langage, renvoyant ainsi au lien primordial entre gestes et parole. En écho, la tension entre verbal et non verbal permet de réinterroger les formes d’écriture contemporaines et les mises en scène, par exemple à travers les allers retours entre action et réflexion permis par le chœur ou la migration du réel et de l’actualité sur scène.

  • Avec la participation de : Valère Novarina, auteur et metteur en scène, Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, Winter Family, Serge Bouchardon, Université de technologie de Compiègne et Pierre Fourny Groupe Alis, Jacques Vauclair, professeur émérite, membre sénior de l’Institut Universitaire de France, Centre de Recherche en psychologie de la connaissance, du langage et de l’émotion, Aix Marseille Université, Thomas Hunkeler, professeur, littérature, Université de Fribourg, Tom Conley, professeur de littérature et de cinéma, Université d’Harvard, Marie-Laure Ryan, chercheure, anciennement chercheur invité à l’université de Colorado, Boulder.

Descriptifs des interventions

Au commencement était le geste : de la communication des primates au langage

  • Jacques Vauclair, professeur émérite, membre sénior de l’Institut Universitaire de France, Centre de Recherche en psychologie de la connaissance, du langage et de l’émotion, Aix Marseille Université

Le langage humain est généralement conçu comme résultant de la transformation d’expressions vocales, telles que les cris et les grognements. Mais l’observation de la communication chez les primates et chez les jeunes enfants suggère une autre hypothèse : le langage (la parole) prendrait racine dans la communication gestuelle. En effet, la communication par gestes joue un rôle prépondérant au cours des deux premières années de la vie de l’enfant. Elle prépare et assiste les échanges langagiers ultérieurs. Les étapes de son développement chez l’enfant mettent en évidence l’apparition et l’usage crucial du geste de pointage - latéralisé majoritairement à droite - à la fin de la première année. L’existence d’un substrat cérébral commun à l’activité gestuelle et à la parole soutient aussi cette hypothèse. Par ailleurs, l’observation de la communication gestuelle (quémande et geste de pointage) chez les primates non humains (babouins, chimpanzés) révèle que ces gestes sont eux aussi latéralisés. Cette préférence de la main droite est moins marquée, en revanche, pour manipuler des objets. De plus, les recherches en neuro-imagerie avec des chimpanzés ont montré que la production de gestes communicatifs active spécifiquement l’homologue de l’aire de Broca (aire concernée par la production de la parole chez l’homme).
Ces découvertes soutiennent l’hypothèse que la communication par gestes serait à l’origine du langage. Ce système de communication visuelle a pu connaître plusieurs étapes (allant de gestes isolés à l’activité complexe de pantomime). Au cours de l’évolution, cette communication aurait fusionné avec les systèmes de production vocale. Autrement dit, les formes et l’organisation de la communication gestuelle des primates non humains constitueraient des précurseurs des systèmes de communication propres à l’homme.
Ces considérations mettent en avant l’omniprésence du geste non seulement dans l’histoire évolutive de notre espèce, mais également tout au long du développement de l’enfant et dans l’ensemble de nos activités quotidiennes de communication, même si la puissance de la communication orale l’emporte maintenant sur la communication par les gestes, par le corps. Il n’en reste pas moins que les gestes (du simple pointage aux postures, aux mimes, aux pas de danse, etc.) constituent des modes d’expression référentielle et émotionnelle incontournables et de très grande complexité. Le rôle adaptatif de la gestualité chez les primates et chez le très jeune enfant permet de comprendre son incontestable pouvoir dans la communication quotidienne, mais aussi dans tous les modes d’expression artistique. Le geste a fait sens et fait toujours largement sens, qu’il s’agisse d’évocations représentationnelles ou émotionnelles.

Théâtre, événement, contexte

  • Tom Conley, Abbott Lawrence Lowell Professor, Departments of Romance Languages and Visual & Environmental Studies, Harvard University

Paraphrasant le titre du célèbre « signature événement contexte » (en caractères minuscules, élément sine qua non de l’équivoque au fond de sa forme), pierre angulaire des Marges de la philosophie (1976) de Jacques Derrida, le titre de cette intervention ne vise qu’à faire remarquer que dans le domaine de la performance et de la performativité l’invention d’un espace théâtral constitue son événement, événement en tant que perception du « monde » : monde à deux faces, dedans et dehors, dont la distinction se ressent au moyen du contexte « qu’on texte ». Le jeu de mots sur lequel misait le philosophe dans sa communication (dans le contexte d’un colloque à Montréal sur « la communication », le rappel du verbe texter du moyen français (maintenant en usage parmi les usagers des portables : je vais te texter, etc.), confondait l’espace que produisait un performatif et son écriture en tant qu’itération. C’est donc la mise en scène de la signature-« théâtre » (« théâtre du je », comme l’avait remarqué la psychanalyste Joyce MacDougall dans son livre éponyme), qui rend possible le sens d’un théâtre du monde ou, à l’âge baroque d’un theatrum mundi. La mise en scène du « théâtre » comme invention d’un monde est un élément de base de la performativité.

Le chœur sur scène. Dramaturgies du collectif, figurations du social

  • Thomas Hunkeler, professeur, littérature, Université de Fribourg

Le chœur, nous dit Aristote, est à l’origine du théâtre occidental. Sa survivance dans l’histoire du théâtre – à l’époque préclassique, à l’ère romantique, et dans le théâtre d’aujourd’hui – implique cependant sa constante réinvention. C’est à travers son usage très particulier de la voix, qui se fait tour à tour prophétie, parole collective, irruption lyrique ou commentaire distancié, que le chœur dit sa prégnance non seulement pour la scène et le public, mais plus fondamentalement pour toute la société à laquelle il propose, à travers sa force archaïque, l’expérience d’une reconnaissance marquée d’une inquiétante étrangeté. Pourquoi le chœur, cette forme théâtrale qui oscille entre envahissement et mise à distance, entre action et réflexion, fait-il résonner sa voix venue d’ailleurs à nouveau dans le théâtre de l’extrême contemporain ?

Le théâtre et la notion de monde

  • Marie-Laure Ryan, chercheure, anciennement chercheur invité à l’université de Colorado, Boulder

La notion de « monde » a pris ces dernières années un essor considérable, aussi bien dans la pratique créatrice que dans les études littéraires. Elle permet de rendre compte de phénomènes réceptifs, tels que l’immersion narrative et la participation active du public aux grands succès médiatiques, ainsi que de phénomènes productifs telles la transfictionnalité (la migration d’éléments à travers divers textes) et la transmédialité (l’expansion d’une histoire à travers plusieurs médias). Il faut en effet la notion de monde pour donner de l’unité aux éléments de tels systèmes. La production culturelle contemporaine est par ailleurs dominée par une esthétique de la pluralité, qui remplace l’équation traditionnelle « un texte, un monde, une histoire » par les formules « un texte, un monde, plusieurs histoires », « un texte, plusieurs mondes, plusieurs histoires », et surtout « un monde, plusieurs textes, plusieurs histoires ». Le théâtre grec et médiéval partageait son monde avec d’autres textes et d’autres médias, mais le théâtre contemporain reste largement à l’écart de ce pluralisme ontologique, médiatique et narratif. Quelles sont les raisons de cette tendance isolation-niste et dans quelles conditions la notion de monde peut-elle s’appliquer au théâtre ?


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