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ANR - Rencontres recherche et création
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Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Croyances, adhésion et conscience

Vendredi 8 juillet 2016 - 9h30 – 13h00

Conscience du monde, de nous-même ou d’autrui et expérience subjective sont des caractéristiques essentielles de l’être humain. Mais les cultures humaines, qu’elles soient religieuses ou profanes, sont aussi caractérisées par l’importance des croyances. Comment l’exercice de la conscience et les comportements s’articulent-ils avec les croyances ?

  • Avec la participation de : Massimo Leone, philosophie, professeur, Université de Turin ; Nafees Hamid, psychologue, University College London ; Scott Atran, anthropologue, directeur de recherche CNRS, professeur adjoint de psychologie et d’anthropologie, Université de Michigan ; Michèle Bokobza Kahan, professeur de littérature française, Université de Tel-Aviv ; Axel Cleeremans, professeur de psychologie cognitive, Université libre de Bruxelles et Anne Cecile Vandalem, metteur en scène (Belgique).

Détails des interventions

Les signes de la croyance

  • Massimo Leone, professeur de philosophie, Université de Turin

Manifester une croyance n’implique pas uniquement une production de signes (gestes, vêtements, rituels, liturgies, textes, architectures, etc.). Elle entraîne parfois leur destruction. La croyance fondamentaliste, notamment, se traduit souvent dans la tentative d’annihiler les signes religieux de l’autre. Aujourd’hui, les images de Palmyre dévastée par Daesh occupent les écrans. Mais la destruction des « idoles » est une constante de l’anthropologie et de la sémiotique religieuses. Les monothéismes abrahamiques ont, chacun à leur façon, prôné l’annihilation des signes religieux d’autrui, perçus comme « idolâtres ». Toutes les cultures religieuses ont, à un moment de leur histoire, été confrontées à ces manifestations. Toutefois, un phénomène paradoxal se produit dans ces iconoclasmes : détruire les signes de l’autre en confirme et en rehausse la valeur. Cela est particulièrement évident dans la mise en scène de l’iconoclasme : les vidéos que Daesh diffuse sur la destruction des monuments « idolâtres » en revigorent, de façon paradoxale, la mémoire visuelle, ainsi que la centralité culturelle. De même, lorsque des peintres chrétiens représentaient les saints « briseurs d’idoles », ils ne pouvaient s’empêcher de donner un corps visuel, une beauté et même un charme nostalgique à ces idoles païennes détruites. Peut-être ce paradoxe suggère-t-il un espoir : les hommes sont destinés à vivre dans la pluralité des signes ; même lorsqu’ils rêvent de leur épuration ethno-religieuse, ils ne peuvent tout à fait annihiler l’énergie de l’imagination.

Croyances et enrôlement

  • Nafees Hamid, psychologue, University College London et Scott Atran, anthropologue, directeur de recherche CNRS, professeur adjoint à l’Université de Michigan

Le rapport entre croyances individuelles et passage à l’acte a été le sujet d’une analyse philosophique approfondie chez David Hume. Récemment, dans les sciences cognitives, ce sujet a été abordé de manière empirique : la question des facteurs qui font qu’une croyance motive un passage à l’acte reste un débat d’actualité. Les premiers résultats suggèrent que les émotions font partie intégrante de ce processus et que les relations sociales représentent le principal vecteur d’influence sur ces émotions. Les textes travaux en psychologie morale indiquent que les croyances d’un individu motivent son comportement lorsqu’elles impliquent des émotions comme la colère, le dégout, le mépris, la honte ou la culpabilité. De même certaines études en neurosciences ont montré que ces émotions conditionnent/influencent la connection entre états cognitifs et actions comportementales. Dans nos recherches sur le terrorisme, nous avons établi un lien entre le degré d’indignation morale et la volonté de commettre des actes de violence au nom de ses croyances. Les études sur la violence extrémiste montrent que les relations sociales d’un individu constituent l’indice le plus déterminant pour prévoir son potentiel engagement. Enfin, notre récente étude sur les islamistes radicaux a révélé qu’une modification de la perception du consensus social entraîne une baisse du consentement à la violence. En termes généraux, les données actuelles suggèrent donc que les émotions et les liens sociaux jouent un rôle clé dans le passage de la croyance personnelle à l’action.

Raconter le miracle : un témoignage religieux ou un récit de vie ?

  • Michèle Bokobza Kahan, professeur de littérature française, Université de Tel-Aviv

La diffusion de récits de miracles sous des formes orales puis écrites est un phénomène culturel et religieux qui caractérise la France médiévale et pré-moderne. L’attirance pour les phénomènes surnaturels et l’adhésion qu’ils provoquent demeurent d’actualité, comme en témoignent le culte de tombeaux sanctifiés et l’affluence de foules vers des lieux de pèlerinage sacralisés. Si ces phénomènes intéressent les sociologues et les historiens des religions, ils suscitent également l’intérêt des études culturelles, des sciences du langage et de la littérature car ils font l’objet de discours écrits, diffusés sous des formes diverses. En effet, le témoignage de miracle n’est pas un simple élément d’un culte religieux institutionnalisé. Sa forme et sa narration varient selon les périodes historiques.
Durant près de cinq années, entre 1728 et 1732, le cimetière du quartier populaire de l’église Saint-Médard, devint un théâtre de rencontres quotidiennes entre les couches sociales les plus variées : gens du peuple, commerçants, artisans, domestiques, ainsi que membres de la noblesse, parlementaires, hommes d’église, avocats, etc. En ce début du XVIIIe siècle, dans le contexte très politisé de l’affaire de la bulle Unigenitus et du combat des jansénistes pour une reconnaissance qui dépasse la sphère théologique, le témoignage des miracles advenus sur la tombe du diacre janséniste, François de Pâris, s’inscrit dans le prolongement d’une tradition de témoignages religieux, mais elle dépasse cette tradition à la fois dans ses enjeux, dans sa portée et dans sa forme. La manière de dire, de raconter l’événement, la place qu’occupe le témoin dans le récit, ne sont plus les mêmes. Tout en conservant l’identité générique du témoignage religieux de miracle, le témoin auteur du récit pratique un autre type d’écriture pour un autre type de lecture relié tant à une mobilisation de l’opinion publique qu’à un besoin de se dire. Le témoignage fait place à un récit du sujet, de sa vie, de son expérience, des aléas d’un parcours qui se reconstruit au fil de la parole testimoniale. C’est un récit déterminé par une omniprésence du corps, de la collectivité et du quotidien du témoin, un récit dont le miracle n’est plus qu’un prétexte (même si l’on y croit passionnément) pour parler de soi. Pourtant ces récits de vie, cette mise en intrigue d’événements, souvent traumatisants, d’accidents répétés, de pathologies physiques, de malheurs et de catastrophes, loin de nous éloigner de la vérité, participent d’un processus d’accréditation du témoignage.
A la croisée du merveilleux et du rationnel, ces témoignages de Saint-Médard sont remarquablement ambivalents et cette ambivalence se retrouve à mes yeux au cœur de toute société moderne.

La puissance de la conscience : suggestion, placebo et hypnose*

Axel Cleeremans, professeur de psychologie cognitive, Université libre de Bruxelles Un projet commun anime tant les artistes que les chercheurs en neurosciences cognitives : celui de comprendre l’effet que cela fait d’être soi, de provoquer des émotions et de comprendre ce qui nous émeut, d’analyser les mécanismes qui permettent à une expérience subjective d’émerger de la biologie du cerveau. Ces questions concernent la conscience que nous avons du monde, de nous-mêmes et d’autrui. L’être humain se distingue précisément des autres animaux par la puissance de sa conscience : il est le seul qui est prêt à mourir pour des idées. Les recherches actuelles centrées sur la conscience, constituent un domaine d’étude qui, après avoir été longtemps laissé entre les mains des philosophes et des artistes, jouit depuis peu d’un intérêt croissant de la part des chercheurs en neurosciences. Les grandes théories contemporaines de la conscience montrent à quel point notre comportement est susceptible d’être influencé par nos croyances, qu’elles soient induites par suggestion, par un placebo ou par hypnose.

Clôture de la matinée

  • Avec la participation de : Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon ; Michael Matlosz, président directeur général de l’Agence Nationale de la Recherche ; Louis Schweitzer, Commissaire général à l’Investissement et Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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