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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Désirs d’ailleurs : polyphonies, hybridation et utopies

Mercredi 10 juillet 2019 | 14h00 - 17h30

Echos du passé, voix du présent : le lien de la mémoire

  • Pascale Gisquet, directrice de recherche au CNRS, Neurosciences intégratives, Institut des Neurosciences Paris-Saclay (NeuroPsi) UMR 9197

Sans mémoire nous n’avons ni passé, ni futur. La mémoire est au centre de tout individu, elle nous permet de construire notre histoire et de tenir le fil de notre vie. Nos connaissances sur la mémoire sont le fruit de recherches émanant de nombreux domaines et en particulier de la psychologie, de la clinique et des neurosciences. Ces travaux permettent d’expliquer comment se forment les souvenirs, comment ils se maintiennent et évoluent au cours du temps et comment nous les reconstruisons lors de leur évocation ultérieure. Ils permettent aussi d’envisager les liens entre mémoire et émotion et les dérives que trop d’émotions peuvent entrainer. Nos récents travaux et les nouvelles conceptions de la mémoire que nous proposons ouvrent des perspectives dans le traitement de pathologies comme le trouble de stress post traumatique et la dépendance aux drogues, lorsqu’elles sont considérées comme des pathologies de la mémoire.

L’arc d’Ulysse et les contes de prétendants

  • Souleymane Bachir Diagne, professeur, directeur du département de français et philologie romane, Columbia University

Dans un moment particulièrement théâtral, dramatique, Ulysse prend son arc, celui que personne d’autre que lui ne peut bander, et abat d’une flèche, un a un, les courtisans qui pendant longtemps, trop longtemps, ont fait le siège de son épouse Pénélope. Dans cette scène de L’Odyssée on peut lire le modèle de tous les contes de prétendants. Les récits africains ont la particularité de subvertir le sens habituel des contes de prétendants tels qu’on les retrouve dans toutes les cultures. Quelles peuvent être les significations possibles de ces exemples de subversion ?

Catégoriser l’Autre ? Un point de vue génétique sur l’histoire du peuplement humain

  • Paul Verdu, chargé de Recherche CNRS, anthropologie et génétique des populations humaines, UMR7206 Ecoanthropologie et ethnobiologie, CNRS-MNHN-Université Paris Diderot (coordinateur du projet ANR METHIS)

Depuis plus de 50 ans maintenant, les généticiens étudient l’ADN des populations humaines pour reconstruire l’histoire des origines de notre espèce. Cependant, le premier enjeu pour la génétique des populations humaines n’est pas, à proprement parler, génétique, mais anthropologique : un fragment d’ADN est un fragment d’ADN ; l’individu qui le porte, en revanche, peut être catégorisé selon différents critères, souvent emboîtés, comme le lieu de naissance, le lieu de vie, la langue, la religion ou autres. Ainsi, une seule analyse génétique peut être interprétée de multiples façons, parfois contradictoires, selon les critères utilisés pour catégoriser les individus étudiés en groupes, communautés, ou populations. Nous explorerons comment la génétique des populations aborde la diversité génétique et l’histoire du peuplement de l’Afrique Centrale, aujourd’hui occupée par de nombreuses populations parlant des langues différentes, vivant de la chasse, de la cueillette ou de l’agriculture, organisées en collectivités anarchistes ou en monarchies féodales, et catégorisées par les colons Européens comme « Pygmées » ou « non-Pygmées » depuis la deuxième moitié du 19e siècle.

L’empire de la sexualité. Loin de l’utopie

  • Michel Bozon, sociologue, directeur de recherche à l’Ined, chercheur associé à l’EHESS, directeur-adjoint de l’Institut du genre

Le domaine de que nous nommons et vivons comme de la sexualité est en permanente extension, et son empire sur la société et sur nous s’élargit. Ce processus touche tout autant les savoirs, les représentations, les comportements, les politiques, que les subjectivités. A l’origine de ce processus, il y a, au milieu du XIXe siècle, l’invention du terme même de sexualité. Un phénomène de long terme toujours en cours est le déplacement permanent des limites de la sexualité mainstream ou de la normalité sexuelle : les sexualités minoritaires et marginales travaillent la sexualité mainstream plus qu’elles ne sont réprimées par elle, et cette dernière s’hybride en permanence avec des éléments des sexualités minoritaires. Ce phénomène s’est accéléré au troisième millénaire, avec une circulation et une confrontation mondialisée des contenus sexuels et des normes. Une composante de cet élargissement est l’extension subjective de la sexualité, la prolongation de notre vie sexuelle qui reformule le temps du vieillissement, sa place croissante dans nos vies, dans nos têtes, dans nos réflexions. Une obligation diffuse au sexe s’est insinuée en nous. Il y a enfin une visibilité croissante de la sexualité, dans la littérature, le cinéma, les médias, les séries, Internet, dans la rue, qui entretient l’impression de son omniprésence et rend manifestes également les résistances à cette présence.

L’extension de l’empire de la sexualité n’est ni libératrice, ni tyrannique. Le fait qu’elle occupe plus d’espace transforme ses contours et son contenu, sa place en nous et hors de nous, et la rend à la fois plus proche, plus réflexive, plus présente mais aussi moins maîtrisable.

La renaissance ou l’utopie du regard aérien

  • Thibaut Maus de Rolley, professeur associé, littérature de la Renaissance, University College London

Avec les navigations océaniques de la Renaissance, une nouvelle mesure du monde se forge en Europe. Les horizons géographiques s’élargissent bien au-delà des frontières données par les Anciens à l’oekoumène (la « terre habitée »). Désormais, c’est le globe terrestre dans sa totalité qui est conçu comme un monde habitable : une Terre unifiée, sans bornes, que l’on peut connaître et parcourir en tous sens. Ce faisant, c’est la centralité même de l’Ancien monde qui est remise en question. Dans les récits de voyage de la Renaissance, les « nouveaux mondes » révélés par les découvertes apparaissent en effet – parfois – comme d’autres centres possibles, permutant ici et ailleurs. Adopter le point de vue de l’Autre permet au voyageur européen d’exercer un regard critique sur le monde d’où il vient, et de se regarder pour ainsi dire du dehors, comme étranger à soi-même.

Cette expérience du décentrement est également rendue possible à la Renaissance par les outils cartographiques – globes terrestres et mappemondes – qui permettent d’observer l’ensemble de la Terre comme depuis les cieux. Cette élévation radicale du point de vue exprime un fantasme de puissance : celui d’une conquête véritablement universelle du monde, par les armes ou le savoir. Mais en bouleversant les perspectives et les ordres de grandeur, elle se fait aussi l’instrument d’une méditation sur la misère de l’homme et la folie des ambitions humaines. Enfin, cette leçon est portée à l’époque par la fiction, et notamment par les fictions de voyages dans la Lune ou vers d’autres mondes célestes, qui proposent au lecteur d’examiner la Terre avec un regard proprement excentrique. Dans ces récits, on ne s’éloigne pas de la Terre pour l’oublier ou la fuir, mais au contraire pour mieux la comprendre, et ainsi se connaître soi-même. « Il faut en la terre penser », disent alors les moralistes : le décentrement dans l’espace, pour le voyageur de la Renaissance, est d’abord l’occasion d’un recentrement.

L’utopie pastorale : une politique des origines

  • Laurence Giavarini, maitre de conférence, études littéraires, Centre Chevrier - UMR 3507, membre associé du Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (Grihl), Université de Bourgogne

Dans l’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607-1628), l’inscription de la fiction pastorale dans la tradition arcadienne, fût-elle déplacée en Forez, semble définir le caractère utopique de l’idéal qui s’exprime : on aurait là une utopie, entendue comme le rêve d’une « vie libre et sans contraintes », un « monde possible », c’est-à-dire au fond impossible. Mais l’utopie pastorale doit aussi se lire comme la forme d’un retour très politique aux origines de la France, à la mémoire d’une religion d’avant la division et le mélange : l’éloignement de la fiction pastorale peut ainsi restituer une unité perdue dont le sens, filtré par la posture élégiaque mélancolique de l’auteur, participe à la construction de la paix après les guerres de Religion.


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