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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Civilisations et imaginaires

Mardi 9 juillet 2019 | 9h30 - 12h30

Descriptif des interventions

Les préhistoires de l’Europe : l’invention d’un nouveau monde en Europe il y a 3500 ans

  • Anne Lehoërff, professeur des Universités, Université de Lille, Chaire de Protohistoire européenne (Néolithique, Âge du bronze, Âge du fer), UMR 8164 - HALMA, membre de l’Institut Universitaire de France, Présidente du Conseil national de la recherche archéologique (ministère de la Culture)

De l’Europe la plus ancienne, nul mot, mais des traces. Des traces nombreuses et hétérogènes, ténues ou resplendissantes, enterrées ou englouties. L’archéologie délivre ces vestiges enfermés dans le temps et les ramène à la lumière. Mystérieux, incompréhensibles, sources d’imaginaires infinis, ils sont aussi histoire. Dans cet immense bric-à-brac, l’archéologue met de l’ordre. Il lit, interprète et met en récit avec ses propres mots. Ces traces s’égrènent sur la longue durée, celle de l’humanité, pour l’Europe il y a presque un million d’années. Il faut alors mettre en œuvre toute la sagacité du chercheur pour les inscrire dans des temporalités, dégager des dynamiques, identifier des ruptures ou des continuités. Comment en effet, à partir des seules archives du sol, savoir à quels moments les hommes changent le cours de leur histoire ? Rien est écrit, il faut deviner et comprendre au-delà de l’objet et de la terre qui l’enrobe. Parfois, les signes sont plus clairs, plus évidents, s’imposent au chercheur.

Deux temps forts marquent cette histoire, sans texte, de l’Europe, dont nous avons directement héritée. Le premier d’entre eux se situe il y a 8 000 ans environ, lorsque peu à peu le monde agricole voit le jour. Le rapport des hommes au temps et à l’espace se modifie. L’empreinte archéologique laissée par ces mutations majeures est étonnement observable sur des milliers de kilomètres carrés : maisons et nécropoles du courant septentrional de néolithisation relèvent presque d’un standard tant les similitudes sont fortes, du Danube jusqu’aux abords de la Bretagne... En Méditerranée, par la voie maritime et côtière, les lieux et de vie et les espaces dédiés au défunts sont moins homogènes, mais une céramique décorée au cardium, coquillage marin, confère une homogénéité à ce vaste ensemble. L’homme s’est donc déplacé et installé, imposant un nouveau modèle qui s’est ensuite transformé en des ensembles territoriaux variés au cours du temps.

Autre période, autre moment clef : il y a 3 500 ans, à l’échelle de l’Europe toute entière, l’homme invente des objets nouveaux, des armes métalliques, et les associent à des pratiques inédites de dépôts, de fragmentations. Objets sémiophores, ils témoignent d’un monde en mutation, de l’invention de sociétés de guerre et de guerriers d’un genre nouveau, qui ne fut ensuite plus jamais remis en cause et qui entre en résonance avec des modèles plus récents de l’Antiquité ou même des mondes contemporains. Pour que l’épée et le combattant voient ainsi le jour, il faut concevoir que, grâce à des moyens de transports spécialisés, une vaste logistique d’échanges par voie d’eau et de mer s’organise, sur les milliers de kilomètres d’une Europe où la mobilité des hommes et des savoirs date de plusieurs millénaires.

L’Europe et le mythe de la paix permanente ou les métamorphoses du pluralisme juridique au vingtième siècle

  • Grégoire Mallard, professeur d’anthropologie et sociologie, Institut de hautes études internationales et du développement (Genève).

L’idée qu’une fédération européenne, ou toute autre forme avancée d’intégration politique du continent, puisse repousser le spectre de la guerre et unir des peuples différents en leur donnant un même langage juridique et un projet commun, a traversé le vingtième siècle. Portée par des courants politiques majeurs et divers, cette idée, qui tient plus du mythe fondateur que d’une réalité historique testée, est fortement associée à la valorisation du pluralisme juridique, qui peut être analysée à travers deux manifestations distinctes. La première nait du choc de la première guerre mondiale, et de la volonté des mouvements politiques proches du socialisme français d’entre-deux-guerres, d’établir les fondements d’une paix juste et progressiste en réussissant à gérer une pluralité politico-juridique mouvante au sein de l’empire français, en lien étroit avec l’empire britannique. La seconde nait du choc de la deuxième guerre mondiale, et de la réalisation par les mouvements fédéralistes européens de l’avantage qu’ils pourraient tirer de l’existence d’un droit européen afin de filtrer et définir de façon autonome les termes d’application du nouveau droit international à vocation universelle dicté par les deux grandes puissances dans le contexte de guerre froide. Ces deux conceptions du pluralisme juridique au niveau global, peuvent être décrites du point de vue de leur continuités et ruptures, de leur généalogie intellectuelle et des instruments juridiques spécifiques sur lesquels chacune de ces conceptions s’est fondée. Ceci afin de dégager des enseignements pour comprendre les enjeux que représente cette question du pluralisme juridique dans le contexte actuel d’après-guerre froide.

Alexandre, héros mythique et universel

  • Edhem Eldem, professeur, Chaire internationale d’histoire turque et ottomane, Collège de France

Peu de personnages ont eu autant de présence dans l’histoire qu’Alexandre le Grand, conquérant du monde, héros mythique dont la renommée franchit le temps et l’espace. Le Roman d’Alexandre, une version romancée des exploits du jeune Macédonien, en est une des preuves les plus tangibles. Créé pendant les premiers siècles de l’ère commune, ce texte s’est transmis de culture en culture à travers l’Antiquité et le Moyen Âge. On en connaît des versions dans pratiquement toutes les langues concernées : grec, syriaque, arménien, latin, arabe, copte, éthiopien, pahlavi, persan, turc, sans parler de la plupart des langues européennes. L’attrait universel de ce texte réside dans son caractère dramatique qui met en scène un héros entraîné dans des aventures souvent fantastiques, un peu à la manière de L’Odyssée. Or ce qui fait la force d’un tel récit, c’est bien sa malléabilité qui permet à chaque culture de se l’approprier, parfois au prix de modifications du « scénario », comme le montre la manière dont la première version turque/ottomane du roman qui transforme en mythe créateur l’épisode des relations ambigües entre Alexandre et Candace, une reine qui osa lui tenir tête.

Fonder la cité : les formes du commun dans la démocratie grecque antique

  • Paulin Ismard, maitre de conférences, en histoire grecque, Université Paris 1 Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France, UMR Anhima. « Anthropologie et histoire des mondes antiques »

Une communauté d’égaux réunie en cercle autour d’un lieu vide pour délibérer sur les fins ultimes de la vie collective : voici comment se présente ordinairement l’invention du politique, si ce n’est de la démocratie, en Grèce ancienne. Précédant l’invention des procédures qui organisent la pratique délibérative, au fondement de la cité se trouverait un acte de délimitation de l’espace commun. Ce qu’il convient d’entendre sous le terme de commun (koinon) est pourtant ambigu : procède-t-il d’une mise en partage, dont l’usage serait offert à tous, ou d’une mise en réserve, marquée du sceau de l’inappropriable ? Ces deux mouvements contraires délimitent paradoxalement le commun, et peut-être le théâtre antique, dont le développement a partie liée avec la naissance de la démocratie, est-il le lieu par excellence de sa mise à l’épreuve. Il est en effet une configuration sensible en particulier par lequel l’imaginaire grec aime se représenter et penser l’expérience du commun, celle du chœur de la tragédie ou de la comédie, qui offre le modèle idéal d’une communauté harmonieuse, en même temps qu’en lui se réalisent les principes de ce qu’on pourrait nommer une esthétique démocratique.

Avec le participation de Jean-Pierre Vincent


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