theatre-contemporain.net artcena.fr

ANR - Rencontres recherche et création
Photo de ANR - Rencontres recherche et création

ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Intimité et émotions sociales

Mardi 11 juillet 2017 | 9h30 - 13h00

Les tragédies, la peinture, les romans ou le cinéma résonnent avec l’histoire des passions et de leurs représentations, des sensibilités, de l’intériorité, du dévouement et du sentiment amoureux. L’histoire de l’art, la littérature comparée, les textes des poètes se confrontent aux neurosciences pour mieux comprendre comment les arts et la fiction racontent les transformations de nos émotions.

Première partie



Avec la participation de : Larry Norman, professeur de langues, de littératures romanes et d’études théâtrales, Université de Chicago ; Ewa Lajer-Burcharth, professeur d’histoire de l’art, Harvard University ; Robin Renucci, comédien et metteur en scène ; Françoise Lavocat, professeur de littérature comparée, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, membre de l’Institut universitaire de France, professeure invitée à l’Université de Chicago (2017) ; Arthur Jacobs, professeur de psychologie expérimentale et neurocognitive, Center for Cognitive Neuroscience, Université libre de Berlin

Descriptif des interventions

Sous le ciel et sous la terre : l’ordre des valeurs dans l’Antigone de Sophocle

  • Oliver Taplin, professeur émérite de lettres classiques, Université d’Oxford

L’Antigone de Sophocle met en jeu l’évidence des affrontements entre l’Etat et l’individu, entre les hommes et les femmes, entre la politique et la piété.... D’ordinaire, on interprète la pièce selon des jeux de sympathies éthiques : Antigone est-elle un personnage positif, et négatif ? Ou bien Créon et elle ont-ils raison chacun à sa façon ? Mais cette pièce peut aussi être interprétée selon le conflit entre le monde des vivants, sur cette terre et l’outre-monde, celui des morts, le monde souterrain des Enfers. Le prophète Tirésias exprime la crainte que ne s’instaure la suprématie de l’un ou de l’autre et que ne se rompe la division de ces territoires : car un manque d’équilibre entre la vie d’ici et celle de là-bas pourrait transformer la vie humaine en une mort vivante. Or ce danger, qui fait la dynamique de la tragédie, hante toujours aujourd’hui les espaces de la politique et de la religion.

Dignité et spiritualité dans la cité médiévale

  • Sabrina Corbellini, professeur d’histoire médiévale, Université de Groningen

Au fil du Moyen-Âge, la diffusion de la littérature religieuse construit un habitus citadin singulier. S’instaure ainsi une étroite corrélation entre la dignité, c’est-à-dire le droit de s’impliquer dans le tissu social, et les capacités ou compétences particulières des individus. La spiritualité, qui établit la connexion avec le saint et la sainteté, devient la condition de l’insertion. Cette relation triangulaire entre dignité, spiritualité et inclusion sociale constitue un des concepts essentiels à la compréhension des sociétés, médiévales évidemment, mais aussi, pour peu qu’on y songe, modernes. La ville médiévale est ainsi érigée en « foyer d’apprentissage ». Les modalités en varient selon les lieux, mais on peut discerner, en dehors des institutions d’éducation (écoles, universités) et de foi (monastères, églises), 20selon quelles stratégies locales se sont réalisées ces « communautés informelles d’apprentis ». La compréhension du lien entre dignité et spiritualité est sous-tendue par une réflexion sur l’éthique du partage, qui associe idées morales et religieuses. En ce sens, les recherches sur les cités médiévales peuvent servir de « laboratoire historique » dans lequel des enjeux sociétaux sont analysés et questionnés.

Héroïsme revisité : Trajectoire moderne

  • Ute Frevert, professeur d’histoire, directeur du Centre pour l’histoire des émotions, Institut pour le développement humain, Max Planck

L’héroïsme, notion inventée dans l’antiquité grecque a connu de nombreuses transformations pendant la période moderne (notamment au moment de la Révolution française), après la Seconde Guerre mondiale et encore aujourd’hui. L’héroïsme est aussi marqué les représentations des genres et leurs évolutions durant la seconde moitié du 20ème siècle. La démocratisation a affecté le sentiment d’action héroïque autrefois réservée à l’élite, interrogeant ainsi les concepts d’honneur, de gloire et de sacrifice qui étaient associés aux images plus anciennes de l’héroïsme.

Errare Humanum est ! Comment le cerveau traite ses erreurs et tente de les rattraper

  • Boris Burle, directeur de recherche CNRS, laboratoire de neurosciences cognitives, Aix-Marseille Université

Conserver un comportement adapté dans un environnement sans cesse changeant requiert des mécanismes de contrôle de nos actions. Il est notamment indispensable d’être capable de résister à certaines tentations (par exemple un appétissant gâteau alors que l’on est au régime !). De telles tentations, si l’on y succombe, peuvent mener à des comportements inadaptés et/ou socialement inadéquats.
Afin de résister au chant des sirènes, Ulysse utilise deux stratégies : boucher les oreilles de ses compagnons avec de la cire, et, en ce qui le concerne, garder les oreilles libres tout en s’attachant très solidement au mât de son bateau. Ces deux stratégies correspondent à deux mécanismes de contrôle cognitif : filtrer les informations non pertinentes pour éviter qu’elles ne viennent capturer le système moteur et activer des actions inadéquates, ou mettre en place des mécanismes d’inhibition comportementale qui empêchent ces actions d’être menées à bout. Nous montrerons comment ces deux mécanismes peuvent être étudiés expérimentalement et dissociés. Si ces mécanismes de contrôle sont efficaces, ils ne sont pas infaillibles et peuvent conduire alors à la production du comportement non désiré. Si ces erreurs ont beaucoup été étudiées du point de vue de leurs conséquences (« erreurs humaines » dans l’aviation, les centrales nucléaires etc....), elles l’ont beaucoup moins été d’un point de vue de l’agent qui commet l’erreur. Or, commettre une erreur est avant tout une expérience subjective très forte. Les travaux récents en neurosciences cognitives permettent une meilleure compréhension des mécanismes de détection de l’erreur dans le cerveau humain.

La figure du bandit : entre héroïsme affiché et errance existentielle

  • Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS (Laboratoire méditerranéen de sociologie), Aix-Marseille Université

La figure du bandit s’incarne souvent sur le territoire marseillais où Laurent Mucchielli enquête depuis quelques années. Sans offrir un répertoire mythologique et folklorique aussi enraciné, ni une réalité sociale et politique aussi prégnante qu’en Corse ou que dans certaines régions italiennes, Marseille est un des hauts lieux du banditisme français et méditerranéen. De là, l’attrait du costume de délinquant-rebelle pour un certain nombre de jeunes hommes. Mais derrière l’héroïsme affiché à travers ce costume, et derrière les pièces réellement dramatiques qui se jouent quotidiennement sur les scènes sociale et pénale, les coulisses de ce banditisme révèlent des histoires de vie marquées par des ruptures précoces de liens sociaux et par des errances existentielles qui, sauf exceptions, ne peuvent trouver que trois issues : la mort physique, la mort sociale ou le retour plus ou moins tardif à une existence ordinaire.

L’amour, entre idéal et institutions

  • Eva Illouz, sociologue, directrice d’études à l’EHESS, Centre européen de sociologie et de science politique

Qu’est-ce que « faire la cour » voulait dire pour les hommes et les femmes du 19ème siècle ? Quelles étaient les règles sociologiques de l’action et de l’interaction que nous appelons « faire la cour » ? En quoi la disparition de ce rituel marque-t-il la modernité de nos liens, c’est-à-dire la façon que nous avons d’approcher ou de nous désengager du lien amoureux ?

Le deuil interminable de la virilité

  • Jean-Jacques Courtine, professeur d’études européennes, Université d’Auckland, professeur émérite, Université de Californie (Santa Barbara) et Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Les héros, dit-on, sont fatigués. La domination masculine a reposé depuis des temps immémoriaux sur un « modèle archaïque dominant », ainsi que Françoise Héritier l’a désigné, fait de force physique, de courage au combat et de puissance sexuelle, qui tenait en un mot, la virilité. Ainsi était défini ce qu’il convenait d’appeler des hommes, des vrais. Mais depuis la première guerre mondiale, un sentiment général de crise, de vulnérabilité et d’incertitude de l’identité masculine s’est répandu. « Il est possible qu’à des époques antérieures où les ours étaient nombreux, la virilité ait pu jouer un rôle spécifique et irremplaçable ; mais depuis quelques siècles les hommes ne servaient visiblement plus à rien », le confirme à sa manière Michel Houellebecq dans ses Particules élémentaires. La situation est cependant plus complexe, et la perception de la virilité profondément divisée : ce sentiment d’un crépuscule du pénis en Occident cohabite en effet avec ce qui semble son contraire, sa célébration quotidienne, obsédante, universelle. A la déflation rampante du moi répond une inflation continue du corps, une hyperbole virile, l’excroissance musculaire extrême d’une hyper-masculinité des apparences qui n’a connu ni équivalent ni précédent dans l’histoire du corps en Occident. C’est l’anthropologie historique de ce paradoxe qu’on tentera d’esquisser, en lui donnant un sens : celui d’un deuil interminable.


imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.