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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Figurer l’ordre du monde : mythes, imaginaires et sociétés

LUNDI 10 JUILLET 2017 | 9H30 - 13H00

L’étude des premières représentations d’animaux sur les parois des grottes, des traces de cultures humaines de plus de 74 000 ans, de l’évolution génétique des populations mettent en évidence le lien entre culture et évolution humaine. De la préhistoire à la Grèce antique, en passant par les sociétés traditionnelles ou contemporaines, les représentations symboliques, les rites contribuent à figurer un ordre du monde.


  • Avec la participation de : Carole Fritz, chargée de recherche au CNRS, Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Toulouse, responsable du Centre de Recherche et d’Etudes pour l’Art Préhistorique (CREAP), Université de Toulouse ; Francesco d’Errico, directeur de recherche en paléosciences, CNRS, Laboratoire PACEA « De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie », Université de Bordeaux ; Raphaelle Chaix, chargée de recherches en anthropologie génétique, CNRS, UMR7206, Unité d’Eco‐Anthropologie et d’Ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle; Julie Bertin, Birgit ensemble ; Jade Herbulot, Birgit ensemble.


Et... dans l’obscurité d’une caverne, un Homme se mit à dessiner

  • Carole Fritz, chargée de recherche au CNRS, Maison des Sciences de l’Hommeet de la Société de Toulouse, responsable du Centre de Recherche et d’Etudes pour l’Art Préhistorique (CREAP), Université de Toulouse

En 1994, la découverte de la grotte Chauvet-Pont d’Arc marque un tournant majeur dans notre connaissance de la spiritualité de l’humanité paléolithique. En effet, cette grotte recèle un art pariétal vieux de plus de 36 000 ans, d’une splendeur inattendue.
Dans la grotte, les artistes aurignaciens ont dessiné en incisant la paroi ou en appliquant des pigments, donnant ainsi naissance à une véritable palette de couleurs (rouge, blanc, noir, ocre jaune). La paroi possède ses particularités ; de support, elle devient matière... Car en mélangeant le fusain noir au calcaire blanc, légèrement plastique par endroit, en y ajoutant les argiles présentes en surface, les aplats forment alors des nuances noires, bistres et grises. Puis les derniers gestes détourent les formes à la pointe du silex afin d’affermir les contours et créer un contraste noir/blanc qui extrait le sujet du fond.
Les artistes de Chauvet ont élaboré de véritables compositions, au sens contemporain du terme. La pensée et la main sont en parfaite adéquation ; les gestes sont précis, fermes, dynamiques, ils s’enchaînent inlassablement, les figures se construisent trait par trait... lions, rhinocéros, bisons, ours des cavernes, chevaux... s’organisent tout au long des 300 mètres du parcours jusqu’au fond de la grotte. Ces fresques spectaculaires nous livrent une vision symbolique, une part des mythes où s’affrontent la vie, la mort, la sexualité... aux origines du monde chez les Homo Sapiens

Quand avons-nous inventé le désordre du monde ?

  • Francesco d’Errico, directeur de recherche en paléosciences, CNRS, Laboratoire PACEA « De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie », Université de Bordeaux

Le désordre fait partie de la nature. L’explosion d’une étoile, les bouleversements engendrés par l’impact d’une météorite, une éruption volcanique ou la disparition d’espèces peuvent être perçus comme des évènements créant un désordre. Mais le désordre des hommes est autre chose. Il n’a pu être conçu que comme perturbation ou négation d’une vision systémique et symbolique du monde partagée par une société et transmise d’une génération à l’autre. Il présuppose la maîtrise d’un langage comparable au nôtre, d’une pédagogie et la création de systèmes techniques spécifiques aux environnements exploités par une culture. Sans cela, le désordre n’agit sur l’être et sur sa communauté que comme une pression sélective exercée sur leurs gènes. En somme, le désordre du monde n’existe qu’à partir du moment où l’on se plaint de la disparition du bon vieux temps. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’à l’échelle de l’évolution, nos ancêtres ont pris des gros risques en créant des ordres humains. De tels ordres peuvent se révéler fragiles face aux changements environnementaux ou, plus simplement, à l’arrivée de nouvelles idées. Quand le désordre qui suit ne conduit pas à la disparition de la population, un nouvel ordre s’établit, parfois plus efficace, écologiquement parlant, que le précédent. Jusqu’à la fin du XXème siècle, on pensait que l’invention du désordre dans le monde remontait à environ 40 000 ans avant le présent et que celui-ci s’était imposé d’emblée aux hommes de Cro-Magnon colonisant le territoire européen. Des découvertes récentes identifient en Afrique des cultures humaines vieilles de 74 000 ans qui possédaient visiblement une telle adaptation. En combinant l’archéologie, la paléoclimatologie, la modélisation climatique et l’application d’algorithmes prédictifs, il est possible de documenter le premier désordre du monde connu.

Ancêtres mythiques, ancêtres biologiques ?

  • Raphaelle Chaix, chargée de recherches en anthropologie génétique, CNRS, UMR7206, Unité d’Eco-Anthropologie et d’Ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle

Les données génétiques nous permettent aujourd’hui de retracer l’histoire des populations humaines. Les dernières découvertes en la matière permettent de revisiter nos conceptions d’ancêtres mythiques, aussi bien à l’échelle de notre espèce, qu’à celle des clans et lignages de certaines sociétés d’Asie. Elles montrent également que ces organisations sociales et plus généralement les processus culturels influencent l’évolution génétique humaine.

Les rites et la mise en (dé)sordre du monde

  • Lionel Obadia, anthropologue, responsable du département sciences humaines et sociales, Agence nationale de la recherche

Les rites initiatiques, d’offrande ou de sacrifice, sont des opérateurs pratiques de la vie sociale, qui scandent les temps ordinaires et extraordinaires des individus et des sociétés entières, depuis les premières traces de l’humanité jusqu’à ce jour, qu’ils soient religieux, profanes ou sécularisés. Ce sont pour autant des actes complexes dans leur déroulement, leur forme, leur contexte et leurs effets, qui admettent des significations différentes selon le champ disciplinaire, qui, de la psychologie à l’anthropologie ou l’histoire, peuvent aller du pathos (dans le cas des T.O.C individualisés) à l’ethos (pour les liturgies collectives). De même, les théories « classiques » du rite en sciences sociales (de la sociologie de Durkheim à l’anthropologie de Geertz, en passant par Lévi-Strauss) ont installé l’idée que les rites avaient un rôle ou une fonction de mise en ordre du monde social et de l’univers de symboles qui lui donne sens. Il se trouve néanmoins que les rites, vus au prisme d’autres perspectives théoriques, peuvent au contraire participer d’un désordre du monde, jusqu’à mettre en péril ses structures sociales et symboliques. Cette communication s’efforcera de montrer l’ambivalence fondamentale des rites qui peuvent être source d’ordre ou de chaos (pour Max Gluckman), ou unifier ces deux aspects dans un même processus rituel (pour paraphraser Victor Turner).

Au-delà du mythe, la tragédie à Athènes

  • Pierre Judet de la Combe, directeur de recherche CNRS, directeur d’études EHESS, Centre Georg Simmel, CNRS/EHESS

La tragédie grecque est un art d’avant-garde, de rupture. Elle naît d’une innovation radicale : transformer les vieilles histoires royales et figées de l’épopée en expériences nouvelles, chaque année, impliquant les Athéniens communs, qui faisaient le chœur, et s’inventant des langues et des formes. Le mythe, qui raconte de manière monologique l’histoire du monde, des villes, des dieux, devient dialogue, opposition de voix, entre le chant et le discours parlé, spectacle baroque. Le monde des dieux se reconstruit sur scène, devant le public attentif qu’est le chœur. Tout se joue ici et maintenant, sans arrière-mondes, sans secrets, sans issues autres que celles qu’offrent les moyens visibles du théâtre. L’ancien, l’archaïque, les rois de l’épopée, leurs mystères, leurs malédictions, deviennent des provocations pour comprendre quelque chose du présent, qui ne cessait de changer. Le recours au passé, au mythe, dans la forme immédiate et techniquement très complexe de la communication théâtrale, ne sert pas à révéler des vérités fondamentales, enfouies, mais, au contraire, à donner une forme, inattendue, décentrée, à ce présent.

Clôture de la matinée


  • Avec la participation de : Lionel Obadia, anthropologue, responsable du département sciences humaines et sociales, Agence nationale de la recherche ;Pierre Judet de la Combe, directeur de recherche CNRS, directeur d’études EHESS, Centre Georg Simmel, CNRS/EHESS

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