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ANR - Rencontres recherche et création
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Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Suivre la règle ? Normes, transgressions, arrangements

Mercredi 11 juillet 2018 | 14h00 - 18h00

Entres normes et règles, transgressions et normalité… questionner le genre, les identités, la filiation, ou encore la folie implique de dépasser la simplicité des oppositions et des contraires. La folie peut nourrir l’engagement artistique, l’invention de normes permettre d’échapper aux stigmates et jouer le jeu d’inventer de nouvelles règles dans les rapports de genre. L’observation des phénomènes sociaux, la philosophie, les études des textes, l’histoire se complètent pour appréhender les transformations du jeu de ces oppositions.


Avec la participation de : François Chaignaud, chorégraphe ; Nino Laisné, artiste ; Sébastien Chauvin, sociologue, professeur associé, Université de Lausanne, Institut des sciences sociales, Centre en études de genre ; Catriona Seth, titulaire de la Chaire Maréchal Foch de littérature française, Université d’Oxford ; Aude Fauvel, historienne, maitre d’enseignement et de recherche, Institut des humanités en médecine (Centre hospitalier universitaire vaudois), Université de Lausanne ; Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS

Descriptif des interventions

Le donné et le construit dans les débats sur le genre, la race et la filiation

  • Sébastien Chauvin, sociologue, professeur associé, Université de Lausanne, Institut des sciences sociales, Centre en études genre

Deux grands récits sur l’identité s’opposent à propos de l’époque contemporaine. D’une part, celui d’un « retour du biologique » par lequel, notamment à la faveur des progrès de la génétique, les sources du moi s’enracineraient à nouveau de plus en plus dans l’objectivité des corps, à rebours des acquis constructivistes des sciences sociales. De l’autre, celui d’un triomphe des identités individuelles ancrées dans la subjectivité, que celles-ci soient conçues comme choisies, découvertes, construites ou « performées ». A partir des débats récents sur la vérité du genre, de la race et de la filiation, Sébastien Chauvin développe l’hypothèse que ces deux nouveaux prétendants au siège de l’identité sont, en fait, des réalités interdépendantes et similairement contemporaines. Non seulement l’une n’est pas en train de disparaître au détriment de l’autre, mais elles émergent et triomphent ensemble, à tel point qu’elles pourraient bien représenter aujourd’hui, plutôt que des directions incompatibles, les deux faces d’une même épistémè. La présentation examinera les relations de concurrence mutuelle, de combinaison hiérarchique et de renforcement réciproque qui les unissent tout en les mettant en tension l’une avec l’autre.

Absolutisme et androgynie : l’Abbé de Choisy et l’érotisme du trompe-l’œil

  • Mitchell Greenberg, professeur, directeur de la section « Etudes Romanes », Cornell University

Malgré une œuvre historienne plutôt imposante, l’abbé de Choisy est surtout connu pour ses Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme. Dans ces Mémoires, il se présente face à l’histoire comme le premier cas pleinement documenté de travestissement masculin. Bien que le manuscrit soit lacunaire, les fragments ont été rassemblés en un récit cohérent composé de sections plus ou moins longues dans lesquelles il raconte les périodes de sa jeunesse durant lesquelles, périodiquement (et souvent durablement), il se travestissait en femme. Il semble que c’était pour lui une habitude invétérée à laquelle il était tout simplement incapable de renoncer. En d’autres termes, il aura été, à travers cette invention de soi extravagante, la pointe avancée dans le monde d’une mise en scène spectaculaire d’une indécidable persona psychosexuelle. Choisy est l’incarnation littérale et fantasmatique du baroque et de sa persistance au sein du sanctuaire intérieur du classicisme. Rappelons-nous en effet qu’il fut élu à l’Académie française en 1687 et qu’il prit ainsi place aux cotés de deux parangons de la période, Racine et, l’antiféministe déclaré, Boileau.

Liaisons dangereuses : quand le jeu est truqué

  • Catriona Seth, titulaire de la Chaire Maréchal Foch de littérature française, Université d’Oxford

Fiction et jeu ont partie liée depuis toujours. La vraisemblance implique ce que les romantiques anglais ont appelé une « suspension volontaire de l’incrédulité ». La fiction est le monde des possibles. Et pourtant, la fiction a des règles et des normes, ce qui suppose des transgressions. Celles-ci sont souvent génériques et impliquent un jeu sur les attentes du lecteur, mais parfois aussi du personnage, pris au piège dans une mise en abyme du fonctionnement de la fiction. Et que se passe-t-il quand le jeu dérape ? La communication envisagera la question des transgressions du jeu à partir d’un corpus de fiction libertine du XVIIIe siècle.

Anormal ou extraordinaire ? (Dé)jouer le stigmate de la folie

  • Aude Fauvel, historienne, maitre d’enseignement et de recherche, Institut des humanités en médecine (Centre hospitalier universitaire vaudois), Université de Lausanne

En 1961, le sociologue Erving Goffman qualifiait le domaine psychiatrique « d’espace stigmatisant », qui contribuait plutôt à renforcer qu’à combattre les stéréotypes négatifs associés aux personnes souffrant de troubles psychiques. Même si les institutions ont depuis connu de nombreuses transformations, l’observation de Goffman n’a toutefois pas perdu toute son actualité. Entre la peur du « fou dangereux » ou les tentatives politiques de « ficher » les « déséquilibrés », le champ de la psychiatrie demeure encore aujourd’hui saturé de représentations négatives.

Face à cette dynamique, il en existe cependant une autre, en miroir inversé. Depuis les débuts de la psychiatrie moderne, il s’est en effet toujours trouvé des personnes qui se sont efforcées de contrer cette stigmatisation, à commencer par les patients eux-mêmes. Contrairement à une idée commune, les premières associations d’usagers de la psychiatrie ne sont ainsi pas apparues dans les années 1960, mais dès le milieu du 19e siècle. Cet exposé retracera cette histoire méconnue et présentera les biais, notamment artistiques, par lesquels ces premiers patients ont essayé de réhabiliter l’identité de « fou » et de présenter une vision plus positive de leur expérience. Il s’agira aussi d’examiner comment ces tentatives de (dé)jouer les normes de l’a-normalité psychique sont aujourd’hui réinvesties, l’histoire servant ici d’inspiration aux usagers du temps présent.

Déjouer ou dérègler

  • Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS

Soit on est hors-jeu, hors champ, et en prendre conscience nous occupe totalement ; soit on se met dans le jeu parce qu’il apparaît alors que c’est la seule façon de changer les règles. Changer les règles serait alors vu comme une nécessité. Mais auparavant, il faut réfléchir à la stratégie à l’intérieur même du jeu. Soit par la ruse, qui permet de déjouer l’obstacle, soit par l’analyse, qui permet de comprendre où et quand la mise en cause des règles, le dérèglement, permet l’invention. Entre l’obstacle et l’invention on choisit le mouvement de l’émancipation, ici des femmes, plutôt que l’éternelle critique de la domination, des normes, etc. Les règles ne sont pas des normes, les règles organisent les rapports quand les normes assignent à des places, ou identités. Avec le jeu et les règles, il y a toujours l’idée de l’échange. L’échange renvoie à l’objet de la transaction, au lieu où se passe l’échange, aux personnes qui échangent. Les rapports sexe/genre impliquent l’objet, le lieu et les personnes. C’est là où tout se complique...


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