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ANR - Rencontres recherche et création
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ANR - Rencontres recherche et création

Agence nationale de la recherche

Type de structure : Institution

Jouer le jeu : société, conversation, émotion…

Mardi 10 juillet | 14h00 - 18h00

Pour l’enfant, le jeu permet l’acquisition de l’attention et la régulation des émotions, dans la Grèce antique, il reproduit l’ordre de la cité. Le jeu est aussi dans la conversation quand les règles sont redéfinies dans la spontanéité de l’instant entre deux interlocuteurs ; il est aussi sur les plateaux entre présence des corps, conventions, imaginaires et attentes des spectateurs. Psychologie du développement, sociologie, histoire ancienne, linguistique, études littéraires et cinématographiques confrontent leurs approches de « comment jouer le jeu ! » à l’expérience de la danse et du théâtre.

Première partie


  • Avec la participation de : Emanuel Gat, chorégraphe ; Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement, Université de Genève, directeur de recherche CNRS ; Jack Katz, sociologue, professeur émérite, University of California at Los Angeles ; Véronique Dasen, professeure d’archéologie classique à l’Université de Fribourg

Descriptif des interventions

Jeux d’enfants et règles de société

  • Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement, Université de Genève, directeur de recherches au CNRS

Le jeu est un facteur déterminant du développement psychologique de l’enfant, quelles que soient les cultures. C’est un moment essentiel car il est à la fois un plaisir et un moyen de se préparer à la vie adulte. À travers le jeu, l’enfant peut acquérir bon nombre de compétences cognitives (attention, concentration, logique, etc.), sociales (normes sociales, interactions, etc.) et émotionnelles (imagination, régulation émotionnelle, etc.). Pour cela, il faut que le niveau de difficulté du jeu se situe dans ce que les psychologues nomment la zone proximale de développement. Il existe différents types de jeux (et d’interventions d’adultes) qui contribuent aux apprentissages et développement de l’enfant.

Colère, larmes et rires - L’inconscient visible dans les interactions sociales

  • Jack Katz, sociologue, professeur émérite, University of California at Los Angeles

A chaque moment de la vie sociale, les individus construisent une ligne d’action à partir d’une anticipation réflexive de comment les autres les voient et leur répondent. En même temps, chacun adopte un comportement en sentant et en s’adaptant aux changements dans la relations aux autres qui sont, à ce moment précis et pour l’acteur ou l’actrice, hors de la pensée, du contenu linguistique ou de l’auto-réflexion discursive. Chacun est libre d’analyser les usages qu’un individu fait de ses propres sensations physiques en temps réel, mais non la personne elle-même. Grâce à la vidéo et à des entretiens approfondis, il est possible d’observer les comportements non conscients et les distorsions éventuelles entre ceux-ci et l’échange verbal lors d’une interaction.
Mais il n’y a pas de façon standard de représenter les ressources perceptives ou sensitives que les individus développent pour former leur conduite. Comment alors décrire les dimensions implicites de la communication humaine ? Les chercheurs peuvent utiliser des métaphores qui ont une résonnance particulière pour les individus dont ils décrivent l’expérience ; ils peuvent imiter les actions implicites qui soulignent les comportements visibles ; ils peuvent chorégraphier et décrire la musicalité qui accompagnent les actions pratiques. Mais il n’y a pas de méthode standard pour analyser et construire un savoir cumulatif sur les multiples indices sensoriels et sur les fondations sensorielles qui accompagnent les échanges dans la vie sociale. La colère, le rire ou les pleurs sont des moments essentiels pour l’observation sociologique des interactions humaines dans leurs multiples dimensions.

La Cité grecque en jeux

  • Véronique Dasen, professeure d’archéologie classique à l’Université de Fribourg

En Grèce ancienne, comme aujourd’hui, le jeu est un opérateur métaphorique puissant qui permet de penser la société, ses normes et ses valeurs. Chez Héraclite, comme chez Platon, l’espace structuré du plateau de jeu reproduit l’ordre de la cité. Dans la République, Platon recommande ainsi d’apprendre aussi tôt que possible à jouer aux pions et dés, et de s’exercer de manière régulière, car l’apprentissage des règles entraîne aussi celui des lois qui régissent toute vie communautaire. Quelques exemples démontrent les compétences que doit développer une activité ludique. Les deux plus grands héros homériques, Achille et Ajax, s’adonnent ainsi à un jeu de plateau sur plus de 150 vases attiques de l’époque archaïque. Le pente grammai allie l’agôn, la compétition qui permet de démontrer l’aristeia, l’excellence des héros, et l’alea, la chance, qui ne dépend pas des qualités personnelles, mais de la bienveillance des dieux. La scène constitue ainsi un discours visuel métaphorique sur la paideia aristocratique archaïque et sa légitimité, fondée sur la volonté divine.

Deuxième partie


Avec la participation de : Didier Galas, comédien et metteur en scène ; Alain Badiou, philosophe et auteur de Ahmed revient ; Philippe Desan, professeur de littérature et histoire culturelle, Université de Chicago ; Jacques Moeschler, professeur ordinaire, Département de linguistique, Université de Genève ; Pascale Piolino, professeure, membre Senior Institut Universitaire de France, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité ; Tiphaine Karsenti, maître de conférences en études théâtrales, Université Paris Nanterre

Descriptif des interventions

« Ce qui se persuade » : Montaigne et les jeux de la conversation

  • Philippe Desan, professeur, Littérature et histoire culturelle, Université de Chicago

Montaigne s’amuse parfois en société. Le langage représente un jeu avec des règles définies spontanément par un locuteur et son interlocuteur. En ce sens, la langue appartient à moitié à celui qui parle, et à moitié à celui qui écoute, comme l’écrit Montaigne. Éloquence et rhétorique sont des outils qui servent à fonder une vérité subjective, rien de plus. L’objet du jeu est ainsi de convaincre l’autre, car, comme l’affirme Montaigne, “la vérité n’est pas ce qui est, mais ce qui se persuade à autrui”. Nous verrons comment, chez Montaigne, l’art de conférer peut se transformer en un jeu où s’affirme la singularité de l’être, sachant bien qu’aucun argument ne résiste dans le temps. Les règles du jeu de la conversation sont ainsi toujours remises en cause et Montaigne s’attarde souvent à questionner la raison afin de réaffirmer des règles du jeu de la conversation fondées sur une forme de spontanéité et réintroduiraient le hasard dans les prises de décision. Les jeux de la conversation correspondent ainsi à une pratique fortuite et non préméditée qui correspond, comme nous l’argumenterons, au genre de l’essai.

Le système et la coopération : le langage n’est pas la communication

  • Jacques Moeschler, professeur ordinaire, Département de linguistique, Université de Genève, Suisse

L’un des lieux communs sur le langage est que sa fonction principale est la communication. S’il n’est pas contestable que le langage est utilisé dans la communication, et que la communication verbale se distingue, par la nature de son véhicule et de ses modalités, des autres systèmes de communication animale (Hauser 1996), il n’est pas certain que toutes les conséquences de cette distinction aient été tirées. Structurellement, le langage peut être défini comme un système comprenant une phonologie, une sémantique et une syntaxe, à savoir un système d’interface sons-sens. En revanche, la communication verbale est basée sur un code (une langue), mais surtout sur des capacités inférentielles, liées à l’organisation cognitive humaine, ainsi que sur des contraintes sociales. Si l’on sépare langage et communication, les règles des systèmes linguistiques et de la communication verbale doivent être substantiellement différentes. Les systèmes linguistiques sont organisés par des règles phonologiques, syntaxiques et sémantiques, basées principalement sur l’économie, la hiérarchie (syntaxe) et la compositionnalité (sémantique) (Chomsky 1995). En revanche, la communication n’est possible que sur la présomption que certains principes généraux de la communication et de la cognition sont utilisés ou exploités, comme le principe de coopération et les maximes conversationnelles (Grice 1989), ou les principes cognitif et communicatif de pertinence (Sperber & Wilson 1995). Dès lors, la question est de savoir comment nous pouvons utiliser un système comme le langage, avec ses propres règles, dans la communication verbale, basée sur des contraintes externes au système linguistique. Cette différence de nature demande qu’on puisse répondre à deux questions : comment la communication est-elle possible avec le langage si elle n’est pas seulement codique ? Pourquoi les langues naturelles et la communication verbale sont-elles organisées de la sorte ? Notre réponse convoquera des arguments linguistiques (sous-détermination de la signification linguistique, Sperber & Wilson 1995), mais aussi des arguments évolutionnaires (le langage comme externalisation de la pensée et comme système de communication au sens faible, Reboul 2017), ainsi que des arguments faisant intervenir la relation entre langage, communication et raisonnement (Mercier & Sperber 2017).

Incarnation et virtualité : vers une nouvelle conception de la mémoire humaine

  • Pascale Piolino, professeure, département de psychologie, membre Senior Institut Universitaire de France, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité

A la fin du 19ème siècle, James soulignait les propriétés phénoménologiques de la mémoire par excellence, celle qui implique avec « intimité et chaleur » celui qui se souvient. Cependant les conceptions actuelles de la mémoire sont le plus souvent désincarnées mettant à l’écart l’identité de celui qui engramme et se souvient. Nous proposons une réflexion autour de l’utilisation des nouvelles technologies virtuelles pour repenser et modéliser les processus et les représentations de la mémoire de soi. Cette réflexion sera illustrée par plusieurs exemples issus de recherches réalisées en réalité virtuelle aux différents âges de la vie.

Le jeu des imaginaires : théâtre et cinéma

  • Tiphaine Karsenti, maître de conférences en études théâtrales, Université Paris Nanterre et Marguerite Chabrol, professeure en études cinématographiques, Université Paris 8

Si les études sur les deux arts ont eu tendance à mettre en concurrence le théâtre et le cinéma, en s’interrogeant sur la possible mort du premier face à la séduction du second, ou, à l’inverse, sur la plus grande légitimité d’une pratique plus ancienne et plus « vivante » face à une « technique » récente, nous avons souhaité aborder les deux formes de représentation à partir d’une question qui leur est commune : comment théâtre et cinéma jouent-ils avec la référence à l’autre art ?À travers quelques exemples, nous montrerons comment les deux arts se sont servis du paradigme de l’autre pour se construire, se penser, se transformer. L’altérité métaphorique intervient alors dans le processus de création comme invitation à dépasser les conventions héritées, ou comme source d’inspiration pour penser autrement les modes de représentation ; au moment de l’interprétation et de la réception, l’autre modèle peut provoquer des effets d’interférence, sur le mode de la référence ou de l’impression, et jouer dans la perception intellectuelle ou sensible de l’œuvre. Car les deux arts partagent des matériaux et des problématiques : le corps et les moyens de le représenter en mouvement dans l’espace, des conventions et des attentes installées chez le créateur comme chez le récepteur, des imaginaires pré-construits qui échappent en partie à l’intention de l’artiste.


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