Luca Ronconi signe une superbe mise en scène d’une grande sobriété mais également d’une grande précision. Bien que l’ensemble soit plutôt statique, chaque mouvement, chaque déplacement semble faire partie d’une chorégraphie. Dans un espace limité, le décor est constitué de trois fauteuils, une chaise et une table. Au dessus du plateau un écran indique le numéro des scènes. [...]...

Dans un espace presque aride, avec juste trois fauteuils, une chaise, des fleurs, une sorte de passerelle, c’est ce que lui offre l’écriture de Jean-Luc Lagarce : la sinuosité de phrases la plupart du temps sans conclusion, la manière d’accoler les mots, de les faire glisser d’une suite possible à une autre…...

Ronconi, qui depuis quarante ans a monté très peu d'auteurs contemporains, hormis Pasolini et Edward Bond, confessait au soir de la première à Milan avoir eu un "véritable coup de foudre" pour Juste la fin du monde. "Ce qui m'a notamment séduit, expliquait-il, c'est le langage, la façon de parler des personnages : cette manière de reprendre indéfiniment les phrases, comme pour tenter d'exprimer une vérité impossible, toujours fuyante [...]"...

Juste la fin du monde fait l’examen de l’attente de la mort et du respect qu’implique cet événement tragique. La qualité de cette attente n’est pas teintée de deuil, ni sinistre, ni cynique : la mort fait partie de la vie....

Ici pas de gestes quotidiens, mais un oratorio douloureux et vivace. On aimerait voir ce spectacle rude et magnifique invité en France, où Luca Ronconi est depuis trop longtemps absent, où sa mise en scène de Lagarce éclairerait d’autres couleurs l’œuvre de cet éternel jeune auteur joué dans le monde entier, lui qui, de son vivant, ne parvenait pas à produire ses pièces....

Même dans ses rêves les plus fous, sans doute, Jean-Luc Lagarce ne l'aurait pas imaginé : être joué au mythique Piccolo Teatro de Milan, l'antre de Giorgio Strehler, ne pouvait relever que d'une "affabulazione". L'auteur-chef de troupe, mort en 1995, à l'âge de 38 ans, avait plutôt connu, avec sa Roulotte (le nom de sa compagnie), les joies des tournées dans les petites villes de province....

Lors d’un entretien, Ronconi avait établi des correspondances entre lui, ce qu’évoque la pièce et le fait qu’il n’a pas eu de famille. Et d’autres choses encore, la maladie qui le touche, la "fin du monde" qui s’approche pour lui. Comme Lagarce, il a l’air de ne pas y toucher. Mais, rejoignant l’auteur français, il touche....