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Pierre Guyotat

France

Présentation

Pierre Guyotat est né en 1940 à Bourg-Argental (dans le Haut Vivarais). En 1960, il est appelé en Algérie. Fin mars-début avril 62, il est arrêté par la Sécurité Militaire, inculpé de complicité de désertion, d’atteinte au moral de l’Armée et de possession-divulgation de journaux interdits. Après 10 jours d’interrogatoire, il est placé au cachot, au secret, pendant trois mois. C’est à partir de cette expérience de la guerre, puis de la prison, que l’oeuvre va s’écrire. Entre 1964 et 1971, Pierre Guyotat fera de fréquents séjours en Algérie.

Il achève d’écrire Tombeau pour cinq cent mille soldats en décembre 65 et paraît en 1967 chez Gallimard. Le livre est menacé d’interdiction, mais un arrêté du Général Massu en interdit tout de même la lecture dans les casernes françaises stationnées en Allemagne. L’oeuvre fait scandale : d’un côté, la presse y voit une relation monstrueuse, pathologique et obsessionnelle de la guerre d’Algérie, et reproche à l’auteur une certaine complaisance à l’égard du sexe et de la violence ; d’un autre côté, on veut y lire une relation exacte et fidèle des violences de la guerre, et en particulier de la guerre d’Algérie.

En 1968, Pierre Guyotat écrit Bordels Boucherie, texte embryonnaire de ce qui deviendra Eden, Eden, Eden. Début septembre 1970, Eden paraît enfin. La possibilité d’une censure est envisagée, et on fait précéder le texte de trois préfaces, signées par Roland Barthes, Philippe Sollers et Michel Leiris. De nouveau, le livre fait scandale. Soit que la critique replace l’oeuvre dans le cadre d’une expérimentation « normalisée » de l’avant-garde : on parle alors de roman expérimental ; soit qu’on lui reproche, comme pour Tombeau, de mêler scandaleusement le sexe et la guerre. Dans un cas comme dans l’autre, on tente d’atténuer la portée de l’oeuvre. Le 22 octobre 1970, Eden est interdit par arrêté du ministre de l’Intérieur. Il le restera jusqu’en 1981. Les défenseurs comme les détracteurs de l’oeuvre s’élèvent d’une même voix contre la censure, une pétition et une campagne de presse sont organisées par Jérôme Lindon.

Pierre Guyotat répliquera, en 1972, avec la publication de Littérature interdite, recueil d’articles et d’entretiens qui retrace les grands moments de l’affaire Eden, et qui est l’occasion de s’interroger sur l’écriture. Là où la presse et la loi feignent de considérer Eden comme un problème moral (le livre est interdit au nom de la protection de la jeunesse), Littérature Interdite montre que le problème se joue dans l’écriture : c’est à cause des transformations que la langue subit, et notamment sur le plan de la syntaxe, qu’on interdit et qu’on rejette. Durant les années 1970, Pierre Guyotat s'engage dans diverses actions : en faveur des mouvements de soldats, d'immigrés, de prostituées...

En 1973, sa pièce de théâtre Bond en avant est créée aux Rencontres internationales de Musique contemporaine de La Rochelle et à La Cartoucherie de Vincennes.

En 1974, Pierre Guyotat commence à écrire Prostitution. L’oeuvre s’écrit toujours à partir du substrat de l’Algérie, mais s’opère alors une réduction de la fiction à une scène centrale, qui va se répéter à travers l’oeuvre entière : une scène de bordel, qui met en scène le putain, le mac et le client. Un système prostitutionnel s’établit qui va conditionner et radicaliser les transformations de la langue. La presse d’un côté voit dans Prostitution un « défi à l’ordre linguistique dominant », une écriture antifasciste, une mise en scène des langues refoulées par l’institution syntaxique ; d’un autre côté, l’oeuvre est déclarée non plus pornographique, mais illisible. En fait, Prostitution marque un tournant à la fois pour l’oeuvre et pour la réception critique.

De 1977 à 1979, Pierre Guyotat compose Le Livre, et renonce publiquement à l’appellation d’« écrivain ». Il écrit, dans la Préface du Livre : « Eté 1977. Simultanément à ma décision de ne plus jamais publier et au renforcement de mon refus de la désignation d’« écrivain », ces voix disparaissent dans ce que je ne nomme plus écrit mais matière ». Il ne s’agit pas là d’une posture rhétorique de l’avant-garde. A la fois dépossédé par lui-même de cette autorité - il y renonce publiquement - et exproprié de sa langue maternelle par l’exercice prostitutionnel de celle-ci, l’« écrivain » prostitutionnel ne peut écrire qu’à partir d’un non-état de la langue, celui de l’enfant qui bégaye, celui de l’asservi, celui du putain, non-état qui entraîne en retour l’effacement de l’écrivain comme instance du verbe : « me tuer ou me vendre (réaliser le texte ou le rendre muet) », écrit Pierre Guyotat dans ses notes. Le Livre paraît en octobre 1984, en même temps que Vivre (recueil d’articles, d’entretiens et d’interventions des années 1972 à 1983).

En 1981, l’interdiction d’Eden, Eden, Eden est levée.

Dans les années 1984-1986, il participe à une série de lectures performances de son oeuvre dans toute l’Europe.

Entre 1991 et 1996, Pierre Guyotat écrit Progénitures, qui sera publié en 2000. Les mêmes journaux qui autrefois soulignaient le caractère « pathologique » de l’oeuvre ou sa nullité, considèrent maintenant en l’écrivain une figure mythique de l’avant-garde littéraire. Progressivement, de Prostitution à Progénitures, l’oeuvre offre le spectacle de ses transformations, et des transformations de sa langue, à une critique qui ne peut plus rien juger du point de vue de la morale, et qui ne peut donc que saluer la logique et la beauté du chant.

Pierre Guyotat a animé, à l’Institut d’Etudes Européennes de Paris 8, un séminaire sur la langue française, de 2000 jusqu’en février 2005. Le compte-rendu de ses cours a été publié dans la Revue Littéraire (Ed. Léo Scheer).

Il participe, en janvier 2000, à la réouverture du Centre national d'art et de culture Georges- Pompidou à Beaubourg, avec la lecture des premières pages de son roman Progénitures. En 2005, son roman Sur un cheval est réédité.

En 2006 paraît Coma, récit d’une crise artistique et spirituelle traversée au début des années 80.

En 2007 paraît Formation, récit de ses années de jeunesse. Prostitution est réédité dans la collection L’Imaginaire de Gallimard, Coma paraît en livre de poche.

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