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Photo de Ödön Von Horváth

Ödön Von Horváth

Autriche – 1901 - 1938

Présentation

Ödön Joseph von Horváth naît le 9 décembre 1901 – la même semaine que Walt Disney - à Susak, dans la banlieue de Fiume (aujourd’hui Rijeka), sur les bords de la mer Adriatique.

Son père, qui lui survivra 12 ans, est attaché au consulat impérial et royal d’Autriche-Hongrie. Sa mère, qui mourra en 1959, est issue d’une famille de médecins militaires austro-hongroise. A en croire Horváth lui-même, il est « un mélange typique de cette vieille Autriche-Hongrie : hongrois, croate, tchèque, allemand – il n’y a que la composante sémite qui me fasse, hélas, défaut. » Un an plus tard, la famille s’installe à Belgrade, où son frère Lajos voit le jour en 1903. En 1908, les von Horváth rejoignent Budapest. Ödön y est d’abord élevé, en langue hongroise, par des précepteurs. Lorsque son père est nommé à Munich, son fils de huit ans reste seul à Budapest, comme interne de l’école de l’archevêché, le Rakoczianum. Il y reçoit une éducation religieuse très poussée et ne rejoint sa famille qu’en décembre 1913. Inscrit au Kaiser-Wilhelm-Gymnasium, ses mauvais résultats et ses conflits avec son professeur de religion entraînent un changement d’établissement, puis un redoublement. « Pendant ma scolarité, note Horváth, « j’ai changé quatre fois de langue d’enseignement, et à presque chaque classe j’ai changé de ville. Le résultat était que je ne maîtrisais aucune langue parfaitement. Quand je suis venu en Allemagne pour la première fois, je ne pouvais pas lire les journaux, ne sachant pas les lettres gothiques, bien que ma langue maternelle fût l’allemand. A quatorze ans seulement j’écrivis ma première phrase en allemand. »

Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, Edmond von Horváth est appelé sous les drapeaux, mais ne tarde pas à reprendre son poste à Munich. En 1916, Ödön est inscrit à Presbourg (aujourd’hui Bratislava), dans le seul lycée de langue allemande où son niveau médiocre et son indiscipline lui permettent encore de s’inscrire. Peu avant la fin de la guerre, son père est affecté à Budapest, où toute la famille se retrouve. Le 11 novembre 1918, les Alliés concluent l’armistice ; cinq jours plus tard est proclamée la République populaire de Hongrie. Dès mars 1919, la dictature des Soviets, sous Béla Kun, contraint la famille von Horváth à l’exil, à Vienne (où Ödön finit par passer son baccalauréat) puis à Munich, dont Ödön fréquentera l’Université pendant cinq semestres, jusqu’en 1922, suivant des cours de psychologie, de littérature allemande, d’esthétique et d’études théâtrales, de sociologie, de métaphysique.

Entre 1920 et 1923, Horváth commence à songer à une carrière d’écrivain : « je m’intéressais, comme on dit, à l’art. Sans avoir toutefois aucune activité personnelle dans ce domaine... sauf peut-être m’être dit qu’au fond, je pourrais devenir écrivain. Puisque j’aimais aller au théâtre, que j’avais vécu pas mal de choses, que j’adorais répliquer à propos de tout et de rien, et que parfois je ressentais en moi cette nécessité d’écrire... et je savais que je ne ferais jamais de concessions, qu’au fond je me fichais éperdument de ce que les gens diraient de moi... ». Un compositeur lui commande le livret d’une pantomime, dont Horváth tentera de racheter autant d’exemplaires que possible pour les détruire. En 1923, après un séjour dans la résidence familiale de Murnau, au pied des Alpes Bavaroises, où il écrit plusieurs textes théâtraux ainsi que des Contes sportifs publiés dans divers journaux et revues, Ödön von Horváth fait un voyage de quelques semaines à Paris en compagnie de son frère Lajos, et décide à son retour de s’installer à Berlin.

A Berlin, de 1924 à 1928, tandis que Hitler purge une peine de cinq ans pour sa tentative de putsch, Ödön von Horváth noue des liens dans le milieu théâtral. Premières créations : Révolte à la cote 3018 (1926/7 à Hambourg) ; Sladek, soldat de l’armée noire (1929, Berlin), inspiré par les assassinats politiques de l’extrême-droite, suscite la colère des national-socialistes. L’engagement politique de Horváth est confirmé par Nuit italienne, créé en 1931, qui oppose violemment la droite et la gauche. Le 2 novembre de la même année, création de Légendes de la forêt viennoise, qui vaut à Horváth le prix Kleist, distinction prestigieuse entre toutes. Des lectures publiques et un important entretien radiophonique font connaître l’oeuvre de Horváth, dont la popularité ne fait que croître.

Le 30 janvier 1933, Hitler devient chancelier du Reich. En mars, un ministère de l’Education Populaire et de la Propagande est confié à Joseph Goebbels. Dès le 10 mai, on brûle des livres sur les places publiques. Ceux de Horváth sont du nombre. De nombreux théâtres en Allemagne renoncent à présenter ses pièces. Horváth quitte l’Allemagne pour Vienne et fait renouveler son passeport hongrois. Il retourne cependant à plusieurs reprises à Berlin, adhérant en juillet 1934 à la Fédération des écrivains allemands (dont il est exclu en février 1937). Malgré les difficultés, Horváth achève au cours de cette période certaines de ses oeuvres majeures : Figaro divorce, Don Juan revient de guerre, Le Jugement dernier, ainsi qu’un conte de fées, Vers les cieux, créé à Vienne en décembre (« je considère, écrit-il, « la forme du conte de fées, mélangée à la farce, comme particulièrement indiquée, par les temps qui courent, puisqu’à travers cette forme, on peut dire beaucoup de choses qu’autrement, il serait impossible de dire »). Son roman Jeunesse sans Dieu, publié à l’automne 1937, remporte aussitôt un grand succès et est traduit en plusieurs langues.

Le 12 mars 1938, les troupes nazies entrent en Autriche, qui est rattachée deux jours plus tard à l’Allemagne : c’est l’ Anschluss. Le 15 mars, Hitler se fait acclamer à Vienne, sur la Heldenplatz.
Horváth fuit l’Autriche dès le lendemain, via Budapest et la Tchécoslovaquie. Il a 37 ans. Il écrit : « Je n’ai rien, sauf ce que j’ai sur le dos, et la valise avec une vieille machine à écrire portative. / Je suis écrivain. / J’étais jadis un bel espoir, et je ne suis pas encore vieux. Mais entre-temps, beaucoup de choses ont changé. / Nous vivons un temps rapide... ».

Il repasse par la Hongrie, puis Trieste, Venise, Milan, Zurich et Amsterdam où il doit négocier un nouveau contrat avec son éditeur. Il hésite entre la Suisse, l’exil aux Etats-Unis, ou Paris, où un voyant lui a annoncé qu’aurait lieu l’évènement décisif de sa vie. Finalement, il décide de partir pour l’Amérique après un dernier bref séjour à Paris. Le 1er juin , veille de son départ, il va voir Blanche-Neige de Walt Disney dans un cinéma des Champs-Elysées, puis repart à pied vers son hôtel, rue Monsieur-le-Prince. Soudain, une tempête éclate. Plusieurs passants se laissent surprendre et ensevelir sous des branches brisées par la bourrasque. Tous s’en tirent sans dommage, sauf Ödön von Horváth, qui meurt, le crâne fracassé, face au Théâtre Marigny.

Dans sa poche, on a retrouvé le quatrain suivant, écrit sur une boîte de cigarettes vide :
Le faux devra périr
A présent il est au pouvoir
Le vrai doit advenir
A présent il est au mouroir.

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