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Photo de Clémence Weill

Clémence Weill

France – Né(e) en 1984

Créer les conditions d'un théâtre irréductible

par Jean-Pierre Thibaudat - Temporairement contemporain N°3, 2018

La première pièce de Clémence Weill est née d’un coup de gueule, d’une rage contre l’institution théâtrale, ses moeurs et coutumes, sa misogynie, sa frilosité, son manque de courage, ses gens qui ne répondent pas au téléphone ou ce directeur de CDN qui un jour lui lança : « Je ne peux pas vous donner un rendez-vous, on ne se connaît pas ». « Je me suis enfermée un mois et demi dans une chambre, histoire de passer ma colère » se souvientelle. Il en est sorti Pierre. Ciseaux. Papier (2013). Une pièce (publiée par Théâtrales) qui, montée, connaît un certain succès.

Comédienne sortie du giron de l’école Claude Mathieu à Paris, Clémence Weill s’est orientée vers la mise en scène et du même coup l’écriture en adaptant et en bricolant des textes de Fritz Zorn, Pasolini ou Heiner Müller. L’attention portée à sa première pièce ne l’incite cependant pas à retourner dans sa chambre. Elle va voir Jean-Louis Hourdin à Pernand-Vergelesses dans la maison de Jacques Copeau, elle y cofonde un collectif qui, tel les Copiaus, s’en va jouer dans les villages.

Elle qui peste contre l’omni-pouvoir des metteurs en scène, aime tirer groupé. On la retrouve avec des complices à Vire, tournant L’invention du moi dans le bocage, puis L’éphémère saga ou comment j’ai grandi donné également à la Loge. Face à un monde politique et théâtral bardés de certitudes et de mots comme « projet » ou « faisabilité », elle se lance avec des amis dans Le discours de l’incertitude volontaire en interrogeant des tas de personne sur la notion d’autorité. Dix-huit mois de travail qui accouchent de formes diverses : dessin, jeu de société, court-métrage, chanson, etc. Cela prendra la forme d’un spectacle à la Maison du Théâtre d’Amiens en janvier prochain.

En 2014, Clémence Weill confonde un club des cinq, le club d’auteurs ACMÉ (Appuyés Contre un Mur qui s’Écroule) avec Aurianne Abécassis, Marc-Antoine Cyr, Solenn Denis et Jérémie Fabre. Un club qui se veut un laboratoire de l’écart. « Ne pas faire un projet culturel mais faire une action artistique » est son credo. Quand elle entend le mot « projet », Clémence Weill sort son « brochet » et va en parler aux directeurs de structures qui, distraits ou n’écoutant que d’une oreille, n’entendent pas la différence ! Son impertinence toute politique l’a conduite aussi à inventer avec des membres du club un spectacle en forme de tour operator qui nous emmène sur une île uniquement peuplée d’experts comme on en voit tous les soirs sur BFMTV.

Clémence Weill est une semeuse de troubles. À la fin de Philoxenia, dans l’eau turquoise de la piscine, gît le corps du fils des voisins, Aylan, 3 ans. Une femme crie. Puis « quelqu’un se ressert à boire. Un autre allume une cigarette. Noir ». Elle-même et ses amis sont en train de monter cette pièce selon une vente progressive. Un théâtre achète le spectacle en cours, cela finance quelques jours de répétition et donc le montage d’une nouvelle scène de la pièce. Ils en sont au deux-tiers. « Une façon de mettre à plat le système de production des spectacles », dit-elle.

Jean-Pierre Thibaudat


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