Depuis la parution en 1971 du Château de Cène, le nom de Bernard Noël est attaché à une écriture du corps, qui, entre la mort et l'érotisme, essaie de dénouer le fil du visible. Né en 1930 dans l'Aveyron, Bernard Noël appartient à une génération marquée par les horreurs de la guerre d'Algérie. Là sans doute a pris corps chez lui, conjointement à la lutte active, le rejet épidermique de toute forme de terreur. Entre l'horreur de toute violence exercée sur le corps (le sien et celui des autres) et qui jamais, à aucun point de vue, ne peut se justifier, et la violence même de son inspiration poétique - ces lieux du corps, lieux de langage de la chair qui sont sa poétique même -, il y a une évidente adéquation. Chez Bernard Noël, "la peau et les mots" sont un seul et même tissu.

La résonance de son oeuvre tient sans doute aussi au fait que tout, chez Bernard Noël, s'assemble dans un même mouvement créatif : le poète (Prix National de Poésie en 1992), le romancier, l'essayiste, le politique, l'historien, le critique d'art, voilà qui fait un seul et même corps dans une seule et belle géographie de l'imaginaire et du vécu. La figure impressionnante d'un écrivain qui pense sa propre histoire dans celle du monde qui l'entoure, qui réussit à faire coïncider le réel et l'imaginaire dans son être même.