Présentation
Né à Laval en 1873, Alfred Jarry meurt à Paris en 1907, à lʼâge de 34 ans. Sa vie est à lʼimage
de son oeuvre : brève, mais intense et tumultueuse, tragique et comique à la fois, déconcertante
souvent, fascinante toujours. Le nom dʼAlfred Jarry est à jamais lié au personnage du Père Ubu.
Stupide et méchant, avide et grossier, lâche et ridicule, le roi Ubu se livre à tous les excès. Il est
devenu un symbole universel de lʼabsurdité dʼun pouvoir exercé sans humanité...
Mais lʼénorme notoriété du Père Ubu ne doit pas occulter les autres facettes de la bibliographie
de son génial inventeur. A lʼimage du premier livre quʼil publia, Les Minutes de sable mémorial,
assemblage composite de proses, de poèmes versifiés et de fragments dramatiques, où le grotesque
et le sublime se mêlent, lʼoeuvre de Jarry se caractérise dʼabord par sa singulière diversité : bigarrure
de romans classiques et de fictions expérimentales, de critiques littéraires ou artistiques, de textes
pour les formes de théâtre les plus inattendues, de chroniques, de traductions - et des almanachs, et
une opérette, et un opéra bouffe.
A sa mort, le premier novembre 1907, Alfred Jarry est misérable, isolé, oublié. Qui parmi les
rares compagnons qui lʼaccompagnèrent jusquʼau bout, qui dans le cercle étroit de ses lecteurs, aurait
alors pu imaginer lʼéblouissante postérité qui lui était promise ? Les surréalistes, André Breton en tête,
le salueront dès les années 30 comme un grand maître de lʼhumour noir. Il avait jeté dans son roman
posthume, Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, les bases dʼune science fantaisiste
et paradoxale. Cette philosophie non conformiste - inventée par le Père Ubu en personne ! - lui
survivra à travers un très solennel Collège de Pataphysique institué en 1948 par un cercle dʼartistes et
dʼintellectuels.
Un siècle a passé, et Jarry nʼa pas fini de se rappeler à notre souvenir. Le Père Ubu nʼest pas
près de retirer son nez pointu des petites et grandes affaires de ce monde. Faustroll va continuer ad
libitum sa navigation circulaire au milieu dʼarchipels sur lesquels le temps nʼa pas prise. Alfred Jarry a
pour toujours vingt-trois ans, scandaleux dandy outrageant le tout-Paris des lettres, il a pour toujours
trente-quatre ans, feu follet épuisé rendant son dernier souffle à lʼHôpital de la Charité, il est pour
toujours lʼenfant de cinq ans qui confie ses rêveries au fil paisible de la Mayenne passant sous le
Vieux Pont de Laval.... Tandis que toujours résonnent, renvoyés des angles les moins prévisibles de
notre littérature, des échos de sa voix unique.
in La Société des amis dʼAlfred Jarry
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