MUSSET Alfred de (Paris 1810-1857)
par Anne Ubersfeld - Dictionnaire Corvin
Poète, romancier et auteur dramatique français
Il devient, après une scolarité brillante, l'enfant prodige du romantisme, avec les Contes d'Espagne et d'Italie qu'il publie à dix-neuf ans. En décembre 1830, la Nuit vénitienne, son premier essai dramatique, essuie un échec total. Échec bénéfique : Musset choisit d'écrire pour un théâtre imaginaire et du coup se sent libéré des contraintes particulièrement étroites de la scène contemporaine. Dès 1832, il compose son Spectacle dans un fauteuil, avec un drame romantique bien noir, la Coupe et les Lèvres, et une comédie tendre et sentimentale, A quoi rêvent les jeunes filles. La même année, le père de Musset meurt du choléra, et le jeune homme se voit contraint de vivre de sa plume.
En 1833, il est recruté par l'équipe de Buloz, le directeur de la Revue des Deux Mondes. C'est le pain assuré, mais aussi l'esclavage. Buloz, qui le sait nonchalant, lui fait rencontrer George Sand, cette fourmi. Ils s'éprennent violemment l'un de l'autre. Cette même année 1833, il a publié, avant la rencontre avec George Sand, André del Sarto et les Caprices de Marianne ; après, c'est Rolla, poème qui connaît une célébrité immédiate, et Lorenzaccio.
En 1834, il publie On ne badine pas avec l'amour, Fantasio, et son Lorenzaccio révisé. En 1835, il écrit pour le théâtre Barberine et le Chandelier ; en 1836, outre des poèmes, il publie Il ne faut jurer de rien. Dans les deux années qui suivent, il fait surtout des nouvelles, et, pour le théâtre, Un caprice.
En 1838, il prend fait et cause pour Rachel dont le talent ranime la vieille tragédie. En 1847, le succès d'Un caprice à la Comédie-Française l'incite à écrire de nouveau pour le théâtre, Louison (1849), Carmosine (1850), Bettine (1851), textes qui n'ajoutent guère à son œuvre. Élu à l'Académie française en 1852, il voit représenter un certain nombre de ses œuvres : Le Chandelier, André del Sarto, mais il doit les corriger dans un sens conformiste et moralisateur. Il boit trop, il est malade, il se traîne et il meurt le 2 mai 1857.
Les drames
André del Sarto, œuvre admirable et méconnue, pose le problème de l'artiste quand l'art est devenu marchandise ; le repli de l'artiste sur l'amour-passion, fût-il conjugal, n'aboutit qu'à la catastrophe ; texte solide et concentré qu'on jurerait postérieur au voyage à Venise avec George Sand, mais ce n'est pas le cas.
Lorenzaccio est un chef-d'œuvre difficile où Musset pose le problème politique de l'instauration d'un pouvoir juste ; transposition de la situation de la France en 1833, la Florence de Lorenzaccio ne gagne rien à la mort de son tyran minable, immédiatement remplacé par un autre. Devant le vide politique et l'impuissance populaire, le tyrannicide est un acte gratuit. Œuvre admirable par sa formule originale, elle combine l'itinéraire du héros solitaire et une vue synthétique de la cité avec sa géographie et ses diverses couches sociales.
Le « spectacle dans un fauteuil » débarrasse Musset de l'espace lourdement décorativiste et des contraintes financières inhérentes à la scène de son temps ; l'espace imaginaire, la liberté autorisent le voyage de lieu en lieu et la multiplication des personnages. Musset ose des solutions dramaturgiques neuves, comme dans l'acte IV le travail du simultané, ou bien la présence de trois fils d'intrigues, le fil Lorenzo, le fil Strozzi, le fil Cibo. Lorenzaccio, qui ne fut créé qu'en 1896 dans une version très mutilée, au théâtre de la Renaissance avec Sarah Bernhardt dans le rôle titre, a tenté les metteurs en scène contemporains : Baty, Vilar, Krejča, Mesguich, Lavaudant….
Comédies et proverbes
Les comédies de Musset sont d'abord des comédies-drames où la présence de fantoches grotesques n'allège guère la prescience angoissante de la catastrophe amoureuse. Tels sont les Caprices de Marianne où la confusion des sentiments conduit à la mort l'amoureux transi trucidé par le mari, et On ne badine pas avec l'amour, où le dépit des amants provoque la mort de l'innocente Rosette. Moins sombres, Fantasio, le Chandelier, Il ne faut jurer de rien montrent des héros semblables à l'Octave de Marianne, à la fois passionnés et désabusés, qui ressemblent comme des frères à ce jeune Musset pris dans l'angoisse des années 1830.
BIBLIOGRAPHIE
A. de Musset, Théâtre complet (éd. de M. Allem), Gallimard, « la Pléiade », Paris, 1958
Œuvres (éd. P. van Tieghem), Seuil, « l'Intégrale », Paris, 1963.
P. Dimoff, la Genèse de Lorenzaccio, Droz, Paris, 1936
H. Lefebvre, Alfred de Musset dramaturge, l'Arche, Paris, 1955
Uuméro spécial de la Revue des sciences humaines, oct.-déc. 1962 et janv-fév. 1977
A. Lebois, Vues sur le théâtre d'Alfred de Musset, Aubanel, Avignon, 1966
B. Masson, Musset et le théâtre intérieur, A. Colin, Paris, 1974 ; numéro spécial de la revue Europe, Paris, nov.-déc. 1977.
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