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Couverture de Nouvelle vague

Nouvelle vague

de Christine Angot


.."Je renonce à tout ce qui est danger. Même les femmes. Les femmes, ceux qui entrent ont toutes les chances de se tuer. Je ne veux pas m'en mêler. Le père de Catherine, ce n'est pas moi. Moi, je préfère, toute ma vie, abattre des chiens. Des chiens qui ont la pelade et les enterrer. Je préfère, pour la calmer. Ma manière à moi. La précipitation des évènements m'avait plongé dans une ivresse, comme seulement dans l'enfance... Sur des routes. Non seulement je ne voulais plus me tuer, mais Catherine, quand elle est entrée dans ma chambre je me suis pris à bander. Je n'ai rien dit, j'ai baisé sa bouche. Mon corps éloigné du sien. Ca m'aurait fait honte qu'elle sente. Sur la route Françoise disait "on est bien, le corps ne fait qu'un", les muscles et les pensées, tout était tourné vers la rencontre du danger. "On fonce, on est vraiment soi-même", il n'y avait que ça qui comptait pour elle. Rester elle-même. Les jours avant sa mort, le père de Catherine avait eu de gros problèmes de santé. L'estomac et les intestins, pas très appétissant. Il n'avait plus d'envie sexuelle. C'est revenu uniquement parce qu'il la croyait morte et ressuscitée. Chez Françoise aussi les dérèglements venaient du ventre. Avec nous, tous les deux avaient des rapports comme avec des cadavres. Catherine aurait pu l'envoyer promener. Elle est restée inanimée. Après des heures de caresses, c'est lui qui a trouvé la mort. Dans un accident. Parce qu'elle semblait inanimée. On ne sait pas qui a tiré. Il est bel et bien mort. Anouchka disait qu'un corps ne supporte pas la présence d'un corps étranger. Ce père c'était une sorte d'étranger. Anouchka s'était enfoncé une épine dans le pied. Elle disait "j'ai de la corne, tu peux triturer". A l'époque, la femme, je n'y avais pas encore renoncé. Elle me donnait son pied comme à un étranger. Sans se demander. Je n'étais pas de bois à l'époque. J'ai retiré l'épine et suis allé me coucher. Pour elle j'étais comme un frère. Françoise, j'aurais dû rester de bois. Le père, quand elle l'a traité de monstre, aurait préféré qu'elle se noie. Il est parti. Victime d'un accident. De l'autre côté, j'imaginais Catherine, l'infection entre les jambes. Je n'avais sûrement pas envie de me lever pour aller le buter. Mon nouvel amour il venait de l'infecter. Ca renforçait nos attaches."...

Christine Angot


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