Magnanime, Timon répand les bienfaits et distribue sa fortune sans compter, attirant à sa suite une nuée d’individus, nobles Athéniens et courtisans, jouissant sans vergogne de sa générosité. Par sa munificence, le noble Timon assoit sa puissance ; ses largesses extravagantes en font un homme de premier ordre dans la Cité, un homme aussi qui s’illusionne sur la nature profonde de ses relations sociales. Celles-ci se révèlent avec les difficultés, quand les caisses viennent à être vides et qu’aucun de ses amis jusqu’alors entretenus ne répond à ses appels à l’aide. La prise de conscience est brutale, cruelle : ruiné, Timon règle ses comptes lors d’un mémorable banquet, où il se venge par le verbe, puis se retire du monde, trouvant dans le «désert», la «caverne», la seule réponse envisageable à la médiocrité et à l’hypocrisie qui désormais qualifient l’espèce humaine à ses yeux. Satire féroce de l’ingratitude humaine, Timon d’Athènes n’est ni la plus connue, ni la plus jouée des tragédies de Shakespeare. La mise en scène de Peter Brook en 1974 a marqué l’histoire du théâtre français et a rappelé la profondeur philosophique d’une pièce qui, d’abord, traite des méfaits de l’argent, des liens qui inextricablement se tissent entre l’or, le mensonge, y compris à soi-même, et le sang. Elle raconte avant tout la bascule d’un homme de l’extrême philanthropie à l’absolue misanthropie, deux postures qui s’avèrent aussi destructrices et suicidaires l’une que l’autre.

C’est avec ce grand texte de Shakespeare que Christophe Maltot a choisi d’ouvrir la saison 2012-2013. Co-metteur en scène, il jouera, comme chef de troupe, le rôle de Timon. Grâce à la voix et au corps d’un bel ensemble d’acteurs dont ceux de la troupe permanente La Loyale, il entend faire résonner ce texte dans toute sa complexité, au coeur de la Cité. Jouer cette pièce aujourd’hui, c’est aussi tenter de la mettre en regard avec la crise économique, civilisationnelle et morale bien présente en Europe. Que faire quand le faste s’éteint ? Fuir, haïr, maudire ? Ou y faire face en inventant d’autres chemins ?