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Quatorze minutes de danse

+ d'infos sur le texte de Sonia Ristić
mise en scène Sonia Ristić

: Entretien avec Sonia Ristic (extraits)

Sonia Ristic est née en Yougoslavie, en 1972, d’un père serbe et d’une mère croate, et après un passage par le continent africain, elle vit à Paris depuis 1991. Depuis quelques années, elle se consacre surtout à l’écriture et à la mise en scène. En 2004 elle crée la compagnie Seulement pour les fous et monte ses pièces et des créations collectives.


Dans vos précédents textes, l’action était clairement située dans un lieu précis, Sarajevo pour Sniper avenue, les pays d’oppressions pour les femmes-témoins dans Le temps qu’il fera demain. Avec 14 minutes de danse, vous avez choisi de ne pas nommer les lieux, pourquoi ce choix ?


Parce que je me suis attachée à la “petite histoire” et pas à l'Histoire. J'avais vraiment envie de rester dans l'intime, dans la relation des deux personnages. J'avais envie qu'ils soient monsieur et madame tout le monde, et puis aussi sans doute parce que ces histoires-là, hélas, ont eu lieu à tellement d'endroits différents du globe.


Si vous deviez nous présenter vos deux personnages… Qui sont-ils ?


Ce sont des ados, même s'ils ont la trentaine Ils sont restés dans l'adolescence, dans le dernier moment d'insouciance, de légèreté, de joie, de jeu, qu'ils ont vécu, avant que leurs vies ne basculent, qu'ils ne soient avalés par l'Histoire. Ils ne font que recréer des rituels, des rites initiatiques, ceux de l'adolescence, qui leur permettent de préserver la beauté et la joie, de sauver l'innocence, malgré les horreurs qu'ils ont traversées et qui continuent à les traverser


Ce sont deux grands ados… dans la trentaine. Un peu comme Sonia Ristic ?


Je me suis rendue compte récemment que j'écrivais à partir de l'adolescence, ce moment charnière dans la vie où l'on est tiraillé par les excès. Je suis toujours autant en colère qu'à 15-16 ans, je vis le monde et l'humain avec la même acuité, le même émerveillement et la même rage, et si je semble plus apaisée aujourd'hui, c'est grâce à l'écriture.


Ce spectacle a déjà connu une destinée sur la scène pouvez-vous nous raconter son cheminement ?


Je l'ai écrit pour une amie comédienne argentine, presque sur mesure. De 2003 à 2005, j'ai fait partie d'un collectif d'artistes qui squattait des friches, Le Théâtre de Verre. On avait investi une ancienne gare SERNAM, dans le 10e, et nous avions un immense espace pour travailler et accueillir du public, en toute illégalité. C'était un formidable outil, un vrai espace de liberté et de création, complètement alternatif, très vivant. Nous avons créé la première version de la pièce là-bas, avec tous les avantages et inconvénients de ce type de “structures”, avec les moyens du bord. Même si le spectacle n'a pas eu une longue vie, c'était une très belle expérience.


Quelle part attribuez-vous à la vidéo dans le spectacle et quel est son rôle ?


L'image a une force impressionnante dans notre regard d'aujourd'hui, alors on cherche comment la mettre à profit sans lui permettre de bouffer l'acteur. Elle doit être présente mais ne doit pas prendre le pas sur le vivant, le fragile. Elle doit offrir une ligne de fuite, mais pas souligner. Dans le spectacle, la vidéo est là pour restituer la nébuleuse du souvenir, le désordre de la mémoire sensorielle. Il s'agit de projection de sensations, de souvenirs des personnages, de tout ce que ces deux-là n'arrivent pas à mettre en paroles.


Quelle part attribuez-vous à la danse, aux sons et aux musiques dans le spectacle et quels sont leurs rôles ?


Tout le propos de la pièce est la tentative de ces deux personnages d’organiser leur mémoire, de trouver un début, un milieu et une fin, afin de pouvoir raconter l'irracontable, pour qu'il cesse de les grignoter de l'intérieur. Sauf que le souvenir émotionnel échappe à l'organisation, ne respecte pas la chronologie, est beaucoup plus désordonné. D'où la construction en caléidoscope, éclatée, par ces différents outils et langages. Le corps, l'image et le son sont censés donner à voir, à sentir, à entendre tous les sous-textes qui échappent à la parole. Nous essayons de créer des contrepoints, de confronter un discours à une sensation, de creuser le sensible. L'idée de départ était de réécrire ce texte mais de façon polyphonique.


Sarajevo, le Rwanda, l’esclavage, la Shoah, la guerre et ses blessures, votre univers d’écriture est grave et douloureux, imaginez- vous écrire sur un monde apaisé, sur un monde plus proche de votre environnement d’aujourd’hui ?


Le bonheur manque de ressort dramaturgique ! Je m'attache à raconter des histoires et c'est du drame que naît l'histoire. Je suis aussi peut-être trop slave ! C'est au bord du précipice que la joie m'apparaît comme la plus fulgurante. Et puis, même si j'écris à partir de l'ombre, j'ai l'impression que tous mes personnages cheminent toujours vers la lumière, qu’ils s'en sortent toujours à la fin. Que dans tous mes textes, je raconte la même lutte pour faire jaillir la joie et le rire du coeur de la nuit, pour faire vibrer la beauté, même lorsque tout semble perdu.


Propos recueillis par Bernard Magnier en février 2009

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