Samuel Beckett, Alain Françon, Dominique Valadié
Créé en 2023
Avec : Yves Gourmelon
Précédé de l’installation plastique L’Œil du Cyclone
Premier amour est sans doute le premier texte en français de Beckett, composé la même année (1945) que Mercier et Camier – roman en français.
Il a quarante ans. Il est à l’aube de son oeuvre théâtrale – trois ans avant Molloy et En attendant Godot. Il a écrit en anglais quelques études, quelques fictions, quelques poèmes, et publié Murphy et Watt. Premier amour est à la fois un texte inaugural – de l’oeuvre théâtrale, française, à venir - et un texte de rupture, parce qu’il naît de la confrontation à une altérité irrécupérable, celle de la femme, celle de l’Homme, celle de l’histoire – on vient de découvrir l’existence des camps - celle du langage : le narrateur étranger parle une langue étrange en imposant un autre rapport aux codes, au monde, aux représentations du monde.
Premier amour, c’est la légende fondatrice de celui qui devient homme, mais surtout écrivain. En se liant à la femme, en n’étant plus le fils de personne, il sort de l’enfance– les premiers mots lient ces deux événements : le « mariage » ( au sens intime et non social ) , et la mort du père.
Mais qu’on ne s’y trompe, tous les premiers amours mènent au Verbe : le père lui a appris à nommer les choses et à comprendre les tomates, Anne-Lulu, la prostituée-Pythie, lui a appris un chant dont il ne peut plus se passer, un chant discontinu seul capable de rivaliser avec le silence, et qui fournit la matrice de l’oeuvre à venir. Obsédé textuel plus que sexuel, l’artiste entre dans la légende de la littérature sacrificielle et inspirée, dernier refuge et exutoire aux temps de l’horreur. Son premier amour sera aussi son dernier, ou son unique.
Lydie Parisse