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On purge bébé !

+ d'infos sur le texte de Georges Feydeau
mise en scène Jean-Luc Lagarce

: C'est une pièce sur la France, " une certaine idée de la France"...

Vue de loin, de très loin - les Iles Zébrides, Ebrides, Hébrides, bref vu de loin, ou incroyablement grossi, un nid d'insectes tendances cloportes, sous le microscope, regardé par le trou de la serrure ou écouté à travers la cloison du bon voisinage petit-bourgeois; c'est une pièce sur la France, " une certaine idée de la France", une pièce sur la France et ses habitants, leurs moeurs étranges de tribu primitive et sur les deux ou trois choses essentielles à sa compréhension et à sa bonne marche: l'Armée française, la Famille française et les pots de chambre français en porcelaine incassable, de Limoges (Haute-Vienne), probablement.
C'est une pièce comique sur les lieux d'aisances, sur les horreurs et nécessités de la guerre et sur l'éducation des enfants, ce qui revient au même, peut-être.
C'est une pièce sur les imbéciles qui appellent leurs fils Toto, diminutif logique d’Hervé et qui pense parfois qu'un bon massacre avec mitraille et tranchées boueuses ne ferait pas de mal à un enfant de sept ans.
C'est une pièce sur les mérites comparés des différentes formes de l'entérite, l'entérite relâchée et l'entérite constipée, dont on voudra bien admettre qu'il ne faut pas les confondre, et sur les vertus particulières des villes d'eaux, Châtel-Guyon (Puy de Dôme) ou Plombières-les-Bains (Vosges), bien connue pour ses sulfates sodiques et ferrugineux.
C'est une pièce qui ne parle pas de Vichy (Allier et bicarbonate de sodium) mais qui pourrait.
C'est plein encore d'accessoires aussi faciles à manoeuvrer que les seaux hygiéniques pleins et les laxatifs fulgurants, de femmes en bigoudis et peignoirs pas nets, de représentants du Ministère de la Guerre réformés et cocus, d'amants amateurs de footing et bonne à tout faire, bonne à rien.
C'est la matinée ordinaire, très ordinaire, d'un homme dans les emmerdements jusqu'au cou, épuisé par une mégère et un morveux.
Un pauvre type, avec toute la médiocrité nécessaire pour finir par paraître sympathique, un "moyen", très moyen, qui cherche à mettre sa famille à l'abri du besoin grâce à ceux des autres. Un affreux poujadiste si on veut mais on fait mieux depuis, "va-t'en guerre" et craintif devant sa femme, veule et opportuniste devant le premier fonctionnaire venu, un petit, un obscur, esclave du Travail - Famille - Patrie et déchaîné à la fois, prêt à exploser de son propre abrutissement.
C'est la journée d'une vociférante domestique, une Aggripine de l'huile de ricin, la mèche en bataille et la jarretelle égarée, une Mère Ubu du palier d'en face, ses excréments dans une main et son gosse dans l'autre, se négligeant parce que négligée, une louve méchante et burlesque, Thénardier teignasse prête à mitrailler tout ce qui touche à son bébé, la chair de ses chairs.
C'est la vie d'un chiard de sept ans, l'enfer de n'être pas orphelin, Oedipe d’HLM, enjeu de la bataille rangée qui lui sert de foyer, traître, combattant et résistant à la fois, tireur de langue et constipé congénital, nul en géographie, refusant de livrer son corps à sa mère et sa tête à son père, engendrement de deux affreux et doublement affreux, de fait.


Un enfant, un vrai, comme ceux des autres, tous les autres.

Jean-Luc Lagarce

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